Wade, encore Wade ! Par Madiambal Diagne

L’Aéroport  international  Blaise  Diagne (Aibd)  a été inauguré en  grandes pompes.  Il n’y  a  pas  une  objection  sur  l’opportunité  de réaliser  cet  ouvrage,  comme il n’y  a  pas  une voix qui puisse remettre en cause les qualités techniques  de  l’infrastructure.

L’aéroport  a coûté cher, très cher. L’estimation initiale de l’investissement  était  inférieure  à  200  milliards de francs Cfa. Au final, il aura coûté le double.  Il  aurait encore pu coûter plus cher, n’eut été le refus du Président Macky Sall de suivre la frénésie qu’avait toujours imposée la société Saudi Bin Laden au gouvernement du Sénégal.  Déjà,  à  quelque  70%  de  réalisation de  l’ouvrage,  à  coups  de  divers  avenants  au contrat,  le  coût  laissé  par  les  équipes  de Karim  Wade  était  à  365  milliards  de  francs Cfa. Fallait-il terminer le chantier ou le laisser en  friche  ?

La  décision la  plus  sage  a  été  de renégocier  les  conditions  de  finalisation  du projet. C’est ce qui a été fait. C’est aussi ce qui avait  été  fait  pour  terminer  les  autres tronçons  de  l’autoroute  à  péage  qui  mène  à cet aéroport et à la zone de Mbour.

Le Sénégal est  aujourd’hui  doté  d’une  infrastructure dont il ne pouvait plus se passer.  La fête a sans doute été belle. Mais elle aurait pu  être  encore  plus  éclatante.  Une  stupide polémique sur la paternité dudit aéroport a été engagée. Le Président Macky Sall, à son corps défendant,  ne  l’a  pas  cherchée  et  s’en  serait passé bien volontiers. Il n’a pas rechigné à terminer les  ouvrages  entamés  par  ses prédécesseurs.

Il  trouvera  d’ailleurs  le  mot juste  pour  rappeler  la  continuité  de  l’Etat.  Il est en train de terminer le prolongement de la Voie de dégagement Nord (Vdn), ouvrage dont la réalisation avait débuté du temps du régime du  Président  Abdou  Diouf.  Un  autre  chef d’Etat  terminera  fatalement  des  projets  ou chantiers initiés par Macky Sall.

Une querelle de  paternité  ne  se  pose  donc  pas.  Une  telle question est d’autant plus inopportune que le Président  Sall,  pour  sans  doute  rendre  hommage à Abdoulaye Wade pour une telle initiative, a  eu  à  proposer  de  rebaptiser  le  nouvel aéroport au nom de ce dernier. Si le projet n’a pas  pu  se  faire,  c’est  parce  que  Abdoulaye Wade l’a refusé. Les arguments qu’il a donnés sont  respectables  et  recevables.  Il  a  notamment dit qu’il «lui sera difficile de son vivant d’accepter cet honneur».

Seulement, il  aurait pu  décliner  l’offre  de  donner  son  nom  mais accepter les honneurs d’être témoin de la fête du  baptême.  Ou,  à  tout  le  moins,  se  faire représenter  à  la  fête.  Cela  ne  déplairait  sans doute pas au parrain, Blaise Diagne, et l’aurait encore  plus  grandi  et  montrerait  un  esprit chevaleresque.

 Mais Abdoulaye Wade a choisi de  quitter  Dakar  sur  la  pointe  des  pieds,  à quelques  heures  de  l’inauguration  de  l’aéroport ;  comme  pour éviter  d’être invité  d’honneur à la fête. Et aucun de ses proches ou  des responsables  de  sa  formation  politique  n’a daigné honorer les invitations qui leur avaient été  adressées  à  participer  à  l’inauguration. Abdoulaye  Wade  considère  sans  doute  qu’il avait  déjà  inauguré  l’aéroport  en  2012  pour s’en  servir  comme  argument  de  campagne électorale. Il faut dire que cette attitude n’a pas surpris,  mais  le  Président  Sall  répétait  à  ses collaborateurs : «L’enjeu dépasse nos personnes. C’est le Sénégal.

Faisons pour le Sénégal ce que nous avons à faire.» Il  répétera  les mêmes mots dans son allocution. On peut dire que  tous les invités  n’étaient  donc  pas  venus mais la  fête ne s’était pas mal déroulée. Cette situation  assimilable  à  une  dérobade  ne  rappelle pas moins l’inauguration du Centre international de  conférence  Abdou  Diouf  de Diamniadio.

En  novembre  2014,  Abdoulaye Wade  était  encore  au  Sénégal  et le  Président Macky Sall avait caressé le rêve de le voir aux côtés du Président Abdou Diouf qui terminait ses fonctions à la tête de l’Organisation internationale de  la  Francophonie  (Oif).  Le Président  Abdoulaye  Wade  n’avait  pas  voulu être  de  la  partie.  C’était  l’autre  Président, Abdou Diouf, qui état honoré. A cette occasion aussi,  aucun  proche  de  Abdoulaye  Wade n’avait été présent. Dans une chronique, en date du 1er décembre 2014,  intitulée  «Tant pis pour Abdoulaye Wade» nous  disions  :  «Le chef de l’Etat du Sénégal, Macky Sall, aura posé un acte plein d‘enseignements et de courtoisie en décidant de donner le nom de l’ancien Président Abdou Diouf au Centre international de conférences de Dakar.

Il est en effet rare de voir à travers le monde, un ancien chef d’Etat cohabiter pacifiquement avec son successeur jusqu’à se faire honorer, de son vivant, en donnant son nom à un grandiose édifice public. Le Sénégal aurait encore davantage ébloui le monde s’il ne manquait pas à la tribune, un autre ancien chef de l’Etat, en la personne de Me Abdoulaye Wade.

Ce dernier a boudé l’invitation qui lui avait été adressée parce qu’il n’a pas su ou n’a pas pu s’élever et faire la différence entre les affaires d’Etat et ses affaires personnelles et familiales. Il a été incapable de discerner le fait que c’est la République du Sénégal, qui lui a déjà tout donné, qui lui a déjà fait tous les honneurs, qui voulait l’inviter ainsi. Et quelle attitude chevaleresque l’homme aurait-il fait montre en honorant l’invitation ! En boudant la cérémonie, Abdoulaye Wade a fait un pied-de nez au Sénégal.

Pour autant il s’est exclu lui-même de la fête.» Pour  autant,  Abdoulaye Wade ne boude pas tout. Quand il a des avantages matériels et pécuniaires à gagner, il ne se  gêne  pas  pour  solliciter Macky  Sall.

Il lui demande de mettre à sa disposition un hélicoptère pour son confort personnel ou de lui payer un véhicule, le plus cher de la gamme, pour ses déplacements à Paris ; il demande à se  faire  doter  de  plus  de  collaborateurs  que nécessaire, et il ne boude pas les traitements qui lui sont versés toutes les fins de mois à la hauteur  des  traitements  payés  aux  anciens chefs  d’Etat  français.

Oui  Abdoulaye  Wade encaisse  et  prend,  tant  que  ce  n’est  pas  à la face du monde ! Ce n’est pas que le Président Wade n’aime pas les  honneurs.  Jean  d’Ormesson, membre  de l’Académie  française,  ancien  patron  du Figaro, qui vient de nous quitter, a laissé à la postérité  une  réflexion  sur  les  honneurs.  Il disait : «Je n’étais pas assez orgueilleux pour les refuser.» Abdoulaye Wade est sans doute comme  lui  mais  il  ne  peut  souffrir  les  honneurs publics  que  lui  fait  un  certain  Macky Sall.  Milan  Kundera  parlait  de  «l’insoutenable légèreté de l’être».

Aussi,  il  y  en  a  qui sont  incapables  de  mourir  en  laissant  leur famille unie. Pierre Corneille faisait dire à un de ses personnages, le vieux Horace : «Enfin, je vous veux ennemis légitimes (…) Acheter par ma mort le droit de vous haïr (…) Qu’un de vous deux me tue, et que l’autre me venge (…) Alors votre combat n’aura plus rien d’étrange  (…) Et du moins l’un des deux sera agresseur, ou pour venger sa femme ou pour venger sa sœur (…).»

Madiambal Diagne

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