Un an après le référendum : Une mise en œuvre sélective des réformes institutionnelles

Un an après le vote de cette réforme constitutionnelle, force est de constater que Macky Sall a décidé d’appliquer les réformes qui l’arrangent et a rangé celles qui étaient les plus attendues par les Sénégalais.

Il a avoué avoir mis sous le coude, les rapports des corps de contrôle de l’Etat qui incriminent ses partisans. Aujourd’hui, un an après le «Oui» au référendum du 20 mars 2016, le président de la République met aussi le coude sur les réformes phares. Un an après le vote de cette réforme constitutionnelle, force est de constater que, sans l’avouer, Macky Sall a mis sous le coude les réformes les plus attendues par les Sénégalais. En effet, sur les quinze points soumis au vote des citoyens, les réformes qui l’arrangent ont été mises en pratique. Il s’agit de la création du Haut conseil des collectivités territoriales (Hcct); de la restauration du quinquennat pour le mandat présidentiel, y compris la question de l’applicabilité immédiate de la réduction à cinq ans du mandat de sept ans en cours et l’augmentation du nombre des députés communément appelés la représentation des Sénégalais de l’extérieur par des députés à eux dédiés. Et enfin l’intangibilité des dispositions relatives à la forme républicaine, la laïcité, le caractère indivisible, démocratique et décentralisé de l’Etat, le mode d’élection, la durée et le nombre de mandats consécutifs du président de la République

Les mesures qui ne font pas son affaire sont rangées aux oubliettes et leur application renvoyée aux calendes grecques. Parmi celles-ci le renforcement des droits de l’opposition et de son chef. Cette mesure qui ferait l’affaire du Pds et de son candidat déclaré Karim Wade, risque de ne jamais se matérialiser. Il en est de même de la réforme sur la modernisation du rôle des partis politiques dans le système démocratique qui est restée un vœu pieux. Car la pléthore de formations politiques fait son affaire. L’adage ne dit-il pas: «diviser pour mieux régner» ?

L’élargissement des pouvoirs de l’Assemblée nationale en matière de contrôle de l’action gouvernementale et d’évaluation des politiques publiques risque aussi de ne jamais voir le jour, du moins dans l’immédiat. Car l’élargissement des pouvoirs du législatif et le contrôle de l’action de l’Exécutif, réduirait considérablement ses pouvoirs. La réforme sur l’élargissement des compétences du Conseil constitutionnel pour donner des avis et connaître des exceptions d’inconstitutionnalité soulevées devant la Cour d’Appel ne connaît pas non plus un début de mise en pratique.

Et il en est de même pour les trois mesures concernant la soumission au Conseil constitutionnel des lois organiques pour contrôle de constitutionnalité avant leur promulgation; l’augmentation du nombre des membres du Conseil constitutionnel de 5 à 7 et la désignation par le président de l’Assemblée nationale de 2 des 7 membres du Conseil constitutionnel. Cette dernière juridiction étant très stratégique puisque ayant le dernier mot en matière électorale, le chef de l’Etat ne va pas se presser de modifier sa composition surtout avec les élections législatives du mois de juillet et de la présidentielle de 2019.

Le chef de l’Etat avait également promis, en cas de victoire du «Oui», la participation des candidats indépendants à tous les types d’élection. Mais les nouvelles conditions introduites récemment dans le nouveau code électoral rend pratiquement impossible cette mise en œuvre de cette mesure. En effet, la nouvelle loi stipule que les candidats indépendants participent à toutes les élections à la double condition de recueillir un nombre prédéterminé de signatures d’électeurs inscrits, de verser une caution à fixer après concertation entre les acteurs et le ministre chargé des élections mais aussi de prouver qu’ils n’appartiennent à aucune formation politique.

Ainsi, pour les élections législatives, les candidats indépendants doivent  recueillir les signatures de 0,5 % des électeurs inscrits domiciliés dans la moitié au moins des régions du pays, à raison de 1 000 signatures au moins par région.

Pour les élections départementales, ils doivent recueillir les signatures de 2 % des électeurs inscrits dans le département. Ces signatures doivent être réparties dans la moitié au moins des communes constitutives du département, à raison de 5 % au moins dans chacune de ces communes et verser une caution. Enfin pour les élections municipales, les candidats indépendants doivent recueillir les signatures de 3 % des électeurs inscrits sur la liste électorale de la commune et verser une caution.

La reconnaissance de nouveaux droits aux citoyens tels les droits à un environnement sain, droit sur leur patrimoine foncier et leurs ressources naturelles ainsi que le renforcement de la citoyenneté par la consécration de devoirs du citoyen ont été aussi oubliés et rangés dans les tiroirs.

Mais la mise en œuvre sélective des réformes constitutionnelles ne doit surprendre personne. Car le chef de l’Etat avait déjà annoncé la couleur avec la Commission nationale de réforme des institutions (Cnri). Macky Sall avait dit qu’il prendrait ce qui l’arrange. «Il n’y a aucune contrainte, aucun délai, je prendrai mon temps. (…) je prendrai ce que je jugerai bon», avait-il dit en 2014.


Charles Gaïky DIENE – (Walf Quotidien)

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