Tournée en Afrique : Macron à la conquête des Africains

Le président français entame sa première tournée en Afrique par un discours à la jeunesse au Burkina Faso.

Emmanuel Macron attaque ce mardi la première tournée africaine de son mandat. Le voyage, qui le conduit au Burkina-Faso, au Ghana et en Côte d’Ivoire pour un sommet Union européenne et Union africaine est délicat. Le contexte, marqué par la lourde présence militaire française au Sahel, le problème des flux migratoires qui ne tarissent pas et les soucis budgétaires, fait de ce déplacement bien plus qu’une visite de courtoisie ou qu’une simple rencontre diplomatique. À l’Élysée, on sait que les «attentes sont énormes» au moment où la France voit son «influence en recul» et son «image pas forcément bonne». Le président français est décidé à «proposer un projet au-delà de ces questions d’images», explique-t-on dans son entourage. En d’autres termes, il entend renverser la tendance.

Pour ce faire, le chef de l’État bénéficie de quelques atouts. Plus encore que ses prédécesseurs, Nicolas Sarkozy et François Hollande, le chef de l’État n’a pas de passé en Afrique, pas de réputation sur un continent qu’il connaît peu, si ce n’est par un stage au Nigeria effectué dans le cadre de l’ENA. Il bénéficie aussi d’une certaine bienveillance des populations, qui voient d’un bon œil son jeune âge et sa nouveauté sur la scène politique. «Il a ringardisé pas mal de présidents africains qui sont parfois vieux et traînent en politique depuis des décennies», sourit un conseiller d’un chef d’État africain.

Sécurité et développement

« Macron veut faire un discours refondateur, comme Obama au Caire. C’est ambitieux »

Rinaldo Depagne, analyste Afrique de l’Ouest pour le centre de recherche ICG

Ce bon a priori ne suffira pas à lui assurer la réussite du déplacement. Ce premier vrai voyage, après deux passages éclaires au Mali dans un cadre purement sécuritaire, sera l’occasion de prononcer son discours de politique africaine, un exercice devenu un passage obligé pour les présidents de la Ve République qui n’en est pas moins risqué. À Dakar, Nicolas Sarkozy avait commis une énorme erreur que l’Afrique ne lui a jamais totalement pardonnée en affirmant que l’«homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire». Emmanuel Macron a, comme Nicolas Sarkozy à Dakar, choisi de s’adresser à la jeunesse, dans un discours qui sera prononcé à l’université de Ouagadougou devant un parterre d’étudiants. Pour cette «prise de parole», le choix du Burkina Faso était «évident», de l’aveu même de l’Élysée: centre d’une insurrection populaire contre le régime autoritairede Blaise Compaoré en 2014, le pays a ensuite connu une transition et une élection libre qui en font aujourd’hui un exemple. Celui de l’université est nettement plus osé. La jeunesse du Burkina est très politisée et très engagée, et demeure critique à l’égard de l’ex-puissance coloniale, soutien fidèle de Blaise Compaoré. «Le public est loin d’être acquis d’avance», reconnaissent les proches du président, qui arrivera dans une posture «d’humilité». Le contenu du discours est encore largement confidentiel. Préparé en grande partie avec le Conseil présidentiel pour l’Afrique, une structure montée en août dernier, il «fixera un cadre» et «une vision personnelle» et devrait évoquer l’éducation, mais aussi le développement et la migration. «Macron veut faire un discours refondateur, comme Obama au Caire. C’est ambitieux», estime Rinaldo Depagne, analyste Afrique de l’Ouest pour le centre de recherche International Crisis Group (ICG). Reste que, si l’initiative présidentielle ne se double pas de propositions concrètes, elle risque fort de décevoir des étudiants avides de soutien. L’originalité devrait tenir dans le fait que le président, comme à la Sorbonne, se prêtera à un jeu de questions-réponses avec les étudiants. «C’est une vraie modernité qui instaure une proximité intellectuelle», souligne le chercheur. C’est aussi là que réside le risque pour le président, qui ne pourra sans doute pas éviter d’évoquer des sujets très sensibles au Burkina, à commencer par les circonstances de l’assassinat du président Thomas Sankara, en 1987, derrière lequel beaucoup voient la main de Paris.

Le sommet devrait en fait être très largement consacré à la question migratoire, rendue plus aiguë encore par la mise en lumière par CNN de l’existence de véritables marchés aux esclaves

À ce discours qui se veut «nouveau» répondra un autre, plus formel, prononcé mercredi à Abidjan devant ses homologues européens et africains dans le cadre du sommet. Cette réunion, prévue de longue date, devait permettre à Emmanuel Macron d’insister sur l’un des grands axes de sa politique africaine: une plus grande implication européenne dans la sécurité et dans le développement économique du continent. Mais le sommet devrait en fait être très largement consacré à la question migratoire, rendue plus aiguë encore par la mise en lumière par CNN de l’existence de véritables marchés aux esclaves. Ces images ont profondément choqué, particulièrement en Afrique, où l’on reprochait déjà aux Européens leur décision de confier aux autorités libyennes la gestion des camps de migrants. Plusieurs voix, comme celle de Moussa Faki Mahamat, président de la Commission de l’Union africaine, se sont fait entendre pour exiger une conférence à Abidjan sur ce drame, et évoque la création de task forces pour porter secours aux migrants en danger. L’Europe n’a pas donné de réponse mais souhaite, au minimum, que les pays africains s’engagent plus pour démanteler les filières de traites humaines. «Pour l’instant, il n’y a que le Niger qui fasse réellement quelque chose à ce sujet», souligne un diplomate.

Emmanuel Macron doit terminer, jeudi, son périple au Ghana, une étape destinée à marquer l’intérêt de la France pour l’Afrique au-delà de l’ancien pré carré francophone et son ouverture. Le dialogue avec son homologue Nana Akufo-Addo, élu quelques mois avant lui, sera sans doute largement occupé par le cas du Togo, secoué depuis plusieurs mois par des manifestations hostiles au gouvernement.

 

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