Tensions avec le Sénégal : Les pêcheurs mauritaniens calment le jeu et interpellent les deux États

Rien ne va plus entre le Sénégal et la Mauritanie dans le domaine de la pêche. La Fédération mauritanienne des pêches sort de son mutisme pour demander aux deux Etats de régler cette question qui n’augure, selon son président Baye Pekh, rien de bon.

Dans le décret n°172/2009 en date du 11 mai 2009, régissant la profession de mareyeur (collecteur, distributeur et exportateur), il est clairement indiqué en son article 12 : “Les cartes professionnelles de 1ère, 2ème et 3ème catégorie sont délivrées exclusivement pour les personnes physiques et morales mauritaniennes … ”. Et comme si cela ne suffisait pas, le 15 juin 2011, une circulaire du ministère mauritanien des Pêches est tombée comme un couperet précisant que tous les exploitants et propriétaires des embarcations de pêche artisanale sont sommés de n’embarquer en mer que des personnes de nationalité mauritanienne.

Cette politique de l’Etat mauritanien entre dans le cadre de la “mauritanisation” de l’emploi dans ce secteur de la pêche. La mesure restrictive est entrée en vigueur le 25 janvier dernier, créant un remue-ménage au niveau de la communauté des pêcheurs de Guet Ndar établie en Mauritanie. Depuis lors, les pêcheurs sénégalais dont les pirogues ont été immatriculées en Mauritanie, avec la complicité des opérateurs mauritaniens de la pêche, vivent dans le désarroi. En effet, dénonce le président de la Fédération mauritanienne des pêches, Baye Pekh, ces derniers détiennent des licences obtenues par la fraude avec la complicité des professionnels mauritaniens du secteur. “Il y a beaucoup de tricherie dans l’attribution des licences des mareyeurs. Les opérateurs mauritaniens s’adonnent au trafic de ces documents avec la complicité des pêcheurs mareyeurs sénégalais”, ajoute-t-il.

Le Secrétaire général de la Fédération mauritanienne des pêches, Ahmed Salem, lui, voit le problème autrement. “Le problème que nous vivons actuellement est plutôt politique”, dit-il, tout en louant les rapports liant les pêcheurs sénégalais et les opérateurs mauritaniens qu’ils sont. En pointant un doigt accusateur sur les politiques, Ahmed Salem interpelle les autorités politiques des deux pays et leur demande de trouver une solution politique à la crise dans ce secteur halieutique qui, si on n’y prend pas garde, “risque de créer beaucoup plus de problèmes qu’il n’en résout”. Ce que confirme son président Baye Pekh qui parle “d’ennemis tapis dans l’ombre”. “Les ennemis du Sénégal et de la Mauritanie se regroupent pour faire mal aux deux pays. C’est ce que nous refusons. Nous, les hommes épris de paix et de justice”, dit-il, en citant le mauvais souvenir des évènements de 1989. “Nous ne voulons pas que cela se répète”, martèle-t-il. “Les autorités étatiques doivent se parler, nous en tant qu’acteurs, nous allons nous parler”, poursuit-il, déplorant la situation que vivent les pêcheurs sénégalais dans les eaux territoriales mauritaniennes. M. Salem de rebondir pour solliciter l’intervention des autorités sénégalaises afin qu’une solution soit trouvée à cette crise au profit de tout le monde.

Mankeur Ndiaye est annoncé en Mauritanie Toujours est-il que les pêcheurs sénégalais sont sur le qui-vive. Pourtant, dès la mise en application de cette mesure restrictive, le 25 janvier dernier, les responsables des pêcheurs ont été reçus par l’ambassadeur du Sénégal en Mauritanie, Mamadou Tall. “On nous a sommés de ne plus descendre en mer. Désormais, aucune embarcation ne doit avoir dans son équipage  un étranger”, avaient-ils confié à l’ambassadeur.  Depuis, ils sont en arrêt d’activités. Ces pêcheurs guet-ndariens ne savent plus à quel saint se vouer. Pendant ce temps, les mareyeurs mauritaniens prennent la mer avec des équipages constitués uniquement de nationaux. Une main d’œuvre locale pas tout à fait qualifiée, selon les opérateurs. Par contre, ceux qui ont bravé cette interdiction ont été durement sanctionnés. A Nouadhibou, de nombreux compatriotes ont été interpellés, puis reconduits à la frontière.

Le directeur des Pêches au ministère mauritanien parle de 220 pirogues arraisonnées sur les côtes. D’ailleurs, l’ambassadeur du Sénégal a effectué une visite au quai de pêche de Nouakchott pour leur remonter le moral, en attendant qu’une solution “politique” vienne mettre fin à cette crise. Dans ce contexte, le ministre sénégalais des Affaires Etrangères, Mankeur Ndiaye, est annoncé en Mauritanie. Les pêcheurs espèrent une issue heureuse à la crise.

Enquête

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