Problème de leadership et manque de discipline militante, la violence s’empare de l’APR

Les scènes de violences notées depuis un bon moment dans les rangs de l’Alliance pour la République sont tributaires d’une absence de structuration, un problème de leadership, un manque d’autorité et surtout de discipline militante au sein du parti au pouvoir, selon les analystes politiques Moussa Diaw et Ibou Sané.

Au Sénégal, les régimes se succèdent au pouvoir et se ressemblent sur bon nombre d’aspects. De Senghor à Macky Sall en passant par Abdou Diouf et Abdoulaye Wade, tous les partis au pouvoir ont sombré dans la violence à chaque approche d’élection. Et l’Alliance pour la République au pouvoir n’a pas jusqu’ici constitué une exception. Au contraire, elle est en train de perpétuer une vieille tradition politique à la sénégalaise.

Sinon de l’exacerber au fur et à mesure qu’on s’approche des prochaines élections législatives du 30 juillet. En effet, les scènes de violence notées depuis quelques jours dans les rangs de l’APR à Diourbel, dans le fief d’Aminata Tall, présidente du Conseil économique, social et environnemental (Cese), à Tambacounda, à Mbour et à Linguère dans le fief de Aly Ngouille Ndiaye, sont symptomatiques de plusieurs facteurs à la fois endogènes et exogènes. D’abord, selon Moussa Diaw, “cette violence politique se multiplie en fonction des enjeux et des positionnements individuels par rapport à l’élaboration des listes pour les élections législatives”.

Mais pour l’enseignant en sciences politiques à l’Université Gaston Berger de Saint Louis, la première cause de cette violence politique reste l’indiscipline militante au sein de l’APR. “Il y a un manque de discipline interne au sein du parti au pouvoir”, déclare l’enseignant. Il relève dans la foulée un problème de leadership qui concourt également à cette escalade de violence physique et verbale. “On a également remarqué un problème de leadership, surtout au niveau local, et cela est lié au manque de structuration.

Le parti a été créé, a commencé à mener des combats et est arrivé au pouvoir sans structuration. Son président est devenu chef de l’Etat. Il n’a pas eu le temps d’organiser son parti et n’a pas non plus nommé un adjoint chargé de structurer le parti, de discipliner les militants et d’organiser le fonctionnement du parti. Cela rejaillit dans le comportement des militants et des leaders jusqu’à la base où chacun veut garder sa place et être sur les listes. Cela pose énormément de problèmes, de troubles et de violences”, soutient Moussa Diaw. Pour Ibou Sané, au-delà de l’absence de structure et le manque de discipline de parti, ce qui explique le plus cette recrudescence de la violence surtout à l’approche d’élection, c’est l’oisiveté de nos hommes politiques. “Il faut regretter qu’on n’ait pas compris au Sénégal et en Afrique en général les enjeux d’une élection.

Au Sénégal, dès qu’on dit élection, on réveille les vieux démons et les velléités offensives. Cela est lié au fait que la plupart des hommes politiques sénégalais n’ont ni emploi ni fonction. Et ils pensent que la politique se résume uniquement à se battre pour des problèmes de positionnement et de poste”, estime-t-il.

L’autre problème qui se pose, selon le Professeur en Sociologie politique, est qu’au Sénégal, dit-il, “les dirigeants des partis politiques ne laissent jamais la base s’exprimer librement et ce sont souvent eux qui désignent à la place des militants. Or, seule la base peut séparer les prétendants aux investitures”. “En Europe, on aurait organisé très tôt des primaires pour départager les candidats. Or la culture des primaires n’est pas encore ancrée au Sénégal. Ici tout est centralisé et tout revient au chef”, regrette-t-il.

Quoi qu’il en soit, Moussa Diaw lui, décèle derrière cette escalade de violence verbale et physique notée dans les rangs de l’APR un manque d’autorité de la part de son leader. “Il y a un problème d’imposer la parole du chef. C’est cela la difficulté du président de la République, d’imposer la discipline dans son parti, d’encadrer les militants et responsables de façon à ne pas créer des tensions ingérables”, déclare-t-il. “Absence d’autorité” Pourtant, récemment, le Président Macky Sall a alerté les différents leaders “apéristes” de la nécessité de s’unir et de respecter les choix du parti.

Il avait également demandé à l’ensemble des militants de se conformer à cette discipline pour servir d’exemple dans la majorité. Mais cet appel semble aujourd’hui tomber dans des oreilles de sourds. Et selon M. Diaw, “cela veut dire qu’il y a une frilosité quelque part”. “Ou bien le chef de l’Etat avait donné seulement quelques indications pour le respect, ou bien il y a un problème d’autorité au niveau de son parti. Parce qu’il faut prendre des sanctions si jamais il n’y a pas de discipline”, estime-t-il.

Mais pour son interlocuteur Ibou Sané, en sortant le bâton, cela peut avoir des conséquences fâcheuses pour le parti. “C’est un dilemme cornélien auquel le chef de parti est confronté”, relève-t-il. Néanmoins, il estime « qu’il faut qu’il siffle la fin de la récréation très tôt et de manière autoritaire”. “S’il est laxiste, cela va créer la cacophonie et les Sénégalais vont le rejeter. Parce qu’ils n’aiment pas le désordre et l’injustice”, avertit le Pr en sociologie politique selon qui, “Macky Sall doit être plus autoritaire pour éviter des listes parallèles”.

En tout cas, avertit pour sa part, Moussa Diaw, “si jamais cette violence persiste, il peut y avoir une désaffection et un rejet au regard des actes posés et de l’image véhiculée. Et les populations peuvent dire : on ne peut pas voter pour ces personnalités qui ne se respectent pas et qui risquent de ternir l’image d’un député”.

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