Pour Boris et pour Bachir, parce que vous êtes bien adorables (Par Amadou Tidiane FALL)

« Mon âme m’a sermonné et m’a appris à ne point m’exalter si je suis loué et à ne point m’attrister si je suis blâmé. » Khalil Gibran.

Une raie de lumière, si petite soit-elle, fait toujours du bien dans une pièce assez sombre, quelle que soit son intensité, quelle que soit sa durée. La polémique entre d’éminentes sommités intellectuelles redonne du baume au cœur aux âmes aspirant aux cymes de la connaissance et qui assistent presque impuissantes, quotidiennement, au nivellement vers le bas non seulement de la plupart de nos élites mais aussi de la grande masse de compatriotes et de citoyens plongés dans des débats stériles, des fausses polémiques faites avec des manières peu honorables, de mots légers, de chemins courbes, de manipulations puériles, sur des sujets peu enviables.Amadou Tidiane FALL

D’un autre côté aussi, cette époque où « le monde est devenu très largement illisible en plus d’être anxiogène » pour reprendre les mots de Laurent BOUVET dans l’introduction de son ouvrage l’insécurité culturelle, le débat se pose de savoir si les « intellectuels sont toujours conscients de leur rôle ». Y-a-t-il encore des intellectuels aujourd’hui ? Les intellectuels jouissent-ils encore d’un statut important dans nos sociétés modernes et conservent-ils une influence significative ? Certainement, certains écrits de Jacques PELLETIER dans « Situation de l’intellectuel critique » nous aideront pour une ébauche de réponse. Bref.
Tout compte fait, ce débat de ces dernières semaines entre Boubacar Boris DIOP et Souleymane Bachir DIAGNE, deux fiertés sénégalaises, fait d’échanges épistolaires ouverts a plu à bon nombres de compatriotes. Certainement cela leur redonne espoir, fatigués qu’ils sont de ne lire ou de ne partager sur les réseaux sociaux que ces querelles politico-politiciennes, de faits divers allant des accoutrements bizarres de ceux qui sont autoproclamés « artistes », des histoires de sous, aux protestations de certains sur certains écrits de nos histoires trop… générales. De toute manière, cette polémique est de loin préférable à la querelle de deux adultes revendiquant chacun la paternité de cette bizarre onomatopée musicale sénégalaise : « sa pararipi moy sa parara ».

Profitant de l’occasion, j’ai simplement estimé qu’il est important de vous rendre un hommage pour cela, pour ce que vous avez fait, pour ce que vous avez écrit, pour ce que vous êtes, pour ce que vous représentez, pour nous avoir honoré, tous les deux, hors des frontières du Sénégal. C’est encore une occasion pour vous inviter aussi à faire mieux, à mieux vous faire connaître au-delà des livres en vue d’influencer d’autres pour que le débat puisse vivre, pour le retour de la pensée, pour redonner goût à la connaissance et restaurer la flamme de l’espoir.
Notre génération et celle d’avant vous doivent beaucoup parce que vous constituez des références. Personnellement je vous dois beaucoup.

Souleymane Bachir DIAGNE, vous êtes, et à notre plus grand bonheur, l’un des plus grands philosophes actuellement dans ce monde. Vous êtes une sommité intellectuelle mondialement reconnue et respectée. Vous êtes l’un des plus grands « influenceurs », dans le sens positif bien sûr, aidant à une compréhension plus conforme à la vérité de l’Islam surtout en Occident. Jeune étudiant en philosophie à l’université Cheikh Anta DIOP, je n’ai pas eu la chance de bénéficier officiellement de vos enseignements (vous aviez déjà un pied aux Etats-Unis, après 20 ans de bons et loyaux services rendus), ce qui m’empêchait pas de temps en temps, de suivre vos cours sur la philosophie islamique dispensés à mes aînés qui étaient en licence.

Je me rappelle cet après-midi de l’année 2002 où j’ai marché du campus de l’UCAD au centre culturel français situé au centre-ville pour pouvoir suivre la cérémonie de présentation de votre livre : Islam et société ouverte : la fidélité et le mouvement dans la philosophie de Muhammad Iqbal paru en 2001. En plus, votre « 100 mots pour dire l’Islam » a participé à éclairer le débat plus particulièrement aux Etats-Unis auprès des plus jeunes concernant les vrais fondements de l’Islam surtout après les amalgames voulus et créés à la suite les attentats du 11 septembre. Vous avez concilié Science et Philosophie en digne héritier de George BOOLE.

Vous êtes rigoureux dans la démarche et vous maîtrisez jusque dans les détails le langage des mathématiques de la chimie. Ce n’est pas étonnant que vous soyez un bon logicien. Et il est heureux et c’est tout en votre honneur que beaucoup, au département de Philosophie de l’UCAD se réclament avec fierté d’être vos disciples. L’auteur du texte : « Le philosophe Bachir et l’anti alchimiste Boris » en est une parfaite illustration. Au-delà de l’idée directrice de sa thèse, il a laissé transparaître toute l’affection qu’il vous porte. Au plan familiale aussi, vous avez inspiré. Vos cadets ont suivi votre voie. Un clin d’œil à mon professeur Madame le Recteur Ramatoulaye DIAGNE que j’ai eu l’immense plaisir de croiser tout récemment au lieux saints de l’Islam.

Boubacar Boris DIOP, c’est toujours un régal que de vous lire et de vous écouter. Votre roman Les tambours de la mémoire a reçu le Grand Prix du Président de la République pour les Lettres au début des années 90. C’est quand même quelque chose.

En fait c’est juste un rappel. Je vous ai rencontré pour la première fois en 2001. A peine âgé de 20ans, je croyais comme les jeunes de ma génération d’ailleurs, que je pouvais changer le monde. C’était à la maison de la Culture Douta SECK, vous présentiez dans une conférence votre livre Murambi, le livre ses Ossements, paru en 2000, fruit de votre séjour au Rwanda pour cerner les contours du génocide des tutsi. C’était sous la modération du professeur Penda MBOW. J’étais le jeune étudiant qui avait joué les troubles fêtes avec une intervention contenant parfois des questions gênantes. Avec le recul, je l’avoue. Mon admiration pour vous date de ce jour. Et vous avez, sans doute, contribué à mon intérêt pour le Rwanda. Votre œuvre est immense. Votre combat pour les langues nationales est constant. Vos écrits en langue wolof témoignent d’un effort soutenu et d’une recherche approfondie. Vous faites la fierté du Sénégal sur les grands plateaux et dans beaucoup d’universités hors de nos frontières. Vous êtes absolument l’un des plus grands écrivains sénégalais parmi les vivants.

Vous êtes tous les deux des fiertés sénégalaises. Cheikh Anta DIOP nous fait tous rêver. Grâce à ses travaux hautement révolutionnaires, nous bombons le torse. En 1954, Nations nègres et culture est apparu comme un coup de tonnerre dans le ciel serein des « certitudes » occidentales. Boris est admiratif de Cheikh Anta, c’est certain. Il essaie de donner corps à ses idées selon son domaine de compétence. Bachir est à coup sûr fier d’avoir côtoyé Cheikh Anta aussi, c’est évident. Qu’il essaie de le déprécier, je ne le pense guère. Le défis pour tous est de chercher à dépasser et à surpasser le pharaon noir. Cela commence par cerner les contours de toute son œuvre et de ses combats, y trouver un point d’appui en l’améliorant pour aller de l’avant, pour sortir l’Afrique de cette grande nuit : c’est le véritable enjeu.

Enfin, et comme l’a mentionné, mon ancien professeur d’anglais Abou Bakr MOREAU, nous vous appelons aussi à davantage orienter vos utiles polémiques sur des choses « plus actuelles et plus opportunes », sur des défis d’orientation politique et sur tant d’autres sujets importants aux yeux des millions d’africains déboussolés.


Amadou Tidiane FALL
Administrateur civil
Auparavant, Professeur de Philosophie

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