Organisation et déroulement des Elections : Cafouillages au sommet

Si ce n’est pas un aveu d’échec, ça en a tous les attributs. Après le report prôné par Moustapha Diakhaté, c’est au tour de Macky Sall de saisir le Conseil constitutionnel pour permettre aux citoyens de voter avec des pièces autres que la nouvelle carte biométrique Cédeao. Une proposition vite rejetée par les partisans de Me Wade et Khalifa Sall.

Les élections législatives de dimanche prochain sont parties pour battre tous les records d’une organisation chaotique accompagnée de polémiques. Le retard sur le retrait des cartes électeurs reste le principal nœud gordien que le pouvoir n’arrive pas à trancher.

Organisation et déroulement des Elections

Ce qui veut dire que bon nombre de citoyens pourraient ne pas voter le jour du scrutin, faute de disposer du sésame. Ainsi, après avoir annoncé l’acheminement des cartes directement vers les lieux de vote, le régime actuel vient de prendre une nouvelle initiative pour contourner l’obstacle qui parait désormais insurmontable.

Dans un communiqué, le président de la République, après avoir rappelé les dispositions de l’article 3 et 4 de la constitution qui donne le droit de vote à tout citoyen, annonce la mesure prise pour que ce droit ne soit pas violé. ‘’Au regard des lenteurs notées dans le retrait des cartes d’identité biométriques, le président de la République a saisi le Conseil constitutionnel, par lettre en date du 24 juillet 2017, conformément à l’article 72 de la Constitution, sur la possibilité que les électeurs n’ayant pu retirer leur carte puissent voter aux élections législatives du 30 juillet 2017 (…)’’, fait savoir le Palais.

Dans cette proposition, il est prévu que le citoyen puisse se présenter à son bureau de vote avec l’une des pièces qui suit : une carte d’identité nationale numérisée, une carte d’électeur numérisée, un passeport, un permis de conduire ou un document d’immatriculation pour les primo-inscrits non détenteurs d’un des quatre premiers documents administratifs. ‘’Il faut rappeler qu’une telle éventualité avait été proposée par la société civile’’, se justifie Macky Sall, non sans préciser son attachement à ‘’d’élections transparentes, libres et démocratiques’’. À peine, le Palais a fini de rédiger le document que les opposants l’ont déchiré. De Koumpentoum où il est en campagne, la tête de liste de la Coalition Gagnante Wattu Senegaal n’a pas tardé à réagir. Selon le communiqué du PDS, Abdoulaye Wade ‘’a rejeté tout vote par l’utilisation de document ne pouvant permettre d’identifier un électeur ou prouver son inscription sur les listes électorales’’.

Le Pape du Sopi a ajouté que cette juridiction ne saurait ‘’permettre à Macky de rouvrir frauduleusement la période d’inscription sur le fichier électoral ou de modifier illégalement, par le règlement, les conditions d’exercice du droit électoral qui sont déterminées exclusivement par la loi’’. ‘’Un énième coup de grâce aux acquis démocratiques’’ À la coalition Mankoo Taxawu Senegaal, on ne dit pas autre chose. Les partisans et alliés de Khalifa Sall soutiennent que ‘’le Président Macky Sall tente aujourd’hui de porter un énième coup de grâce aux acquis démocratiques’’ du pays ‘’après avoir démantelé les piliers de cette démocratie par une série de tripatouillages de la loi électorale au gré de ses intérêts partisans’’.

D’après les rédacteurs du communiqué parvenu à EnQuête, en passant par le Conseil constitutionnel pour valider sa volonté, ‘’le président de la République décide unilatéralement de violer les articles L 53 alinéa 1er et L 78 alinéa 1er du Code électoral qui disposent que seule la carte d’identité biométrique CEDEAO fait office de carte d’électeur et qu’à son entrée dans le bureau de vote ce dernier doit présenter sa carte d’électeur’’.

De ce fait, cette entité, en plus de dénoncer une ‘’forfaiture’’, prend le chef de l’Etat pour responsable des conséquences qui pourraient découler d’une décision non concertée. C’est donc parti pour un nouveau et énième bras de fer dans le cadre de l’organisation de ces élections qui n’a pratiquement jamais connu un point sur lequel il y a eu consensus du début à la fin.

Il est à noter que cette initiative du Président Macky Sall intervient 24 heures après la proposition de report des élections faite par un responsable du parti présidentiel, Moustapha Diakhaté en l’occurrence. Ce dernier, invité dimanche de l’émission ‘’Objection’’ de Sud Fm avait préconisé un décalage d’une ou de deux semaine(s), le temps que les citoyens récupèrent leurs cartes.

DOUDOU NDIR PRÉSIDENT DE LA CENA AU MINISTRE DE L’INTERIEUR : « Nous souhaiterions avoir de plus amples informations pour réagir à toutes les interpellations »

 

C’est un véritable coup de massue. Le Ministre Abdoulaye Daouda Diallo a reconnu hier au cours d’une rencontre avec la Cena qu’il lui sera difficile de produire des cartes d’électeurs à tous les Sénégalais qui se sont inscrits sur les listes électorales. Le président de la Cena, quant à lui, déplore le déficit du dialogue entre les deux institutions.

Le malaise est plus que profond. A tous les niveaux, la grogne prend de l’ampleur. Les électeurs ont crié : ‘’Nous voulons nos cartes d’électeurs’’. Ousmane Sonko disait : ‘’Nous ne savons rien du fichier électoral. Macky Sall s’est enfermé avec son ministre de l’Intérieur et son Malaisien pour confectionner un fichier qu’ils sont les seuls à maitriser’’.

Quant à l’ancien Président Abdoulaye Wade, il appelle à une marche nationale et exige des comptes à la Commission électorale nationale autonome (Cena). Cette dernière, hélas, ne semble guère mieux informée. Ou à tout le moins, elle ne dispose pas de toutes les informations pour répondre favorablement à toutes les interpellations des acteurs. Parole de son président Doudou Ndir, lui-même.

Hier, s’adressant au ministre de l’Intérieur Abdoulaye Daouda, il déclare à propos des difficultés sur l’édition et la distribution des cartes d’électeurs : ‘’Aujourd’hui, l’actualité est plus que focalisée sur le problème de l’édition des cartes d’électeurs et de leur mise à disposition des citoyens sénégalais qui se sont inscrits.

Nous savons que vous et vos services vous y employez de votre mieux pour y apporter des solutions. C’est pour cette raison que nous souhaiterions en avoir de plus amples informations pour nous permettre en toute connaissance de cause de réagir à toutes les interpellations qui nous seront adressées à ce sujet. Voilà les raisons pour lesquelles nous avons estimé cette rencontre plus que nécessaire, plus qu’urgente et plus qu’impérieuse’’. Le président de la Cena ne s’est pas arrêté en si bon chemin.

En effet dès l’entame de son propos, il déplore une cassure dans le rythme du dialogue entre l’organe qu’il dirige et le Ministère de l’Intérieur. ‘’Je dois avouer que nos contacts ont été plus réguliers par le passé. Et pourtant ils nous ont toujours offert l’occasion, dans le cadre des lois et règlements et par le biais de nos experts respectifs, de répondre plus efficacement à l’aspiration du peuple qui exige de plus en plus des élections libres et transparentes’’, regrette Doudou Ndir, la mine grave, les yeux rivés sur sa copie.

Il poursuit son discours liminaire devant une salle tout ouïe, et un ministre de l’Intérieur bouche bée. ‘’Nous-nous devons d’harmoniser nos postures dans le respect de nos obligations et des missions respectives que nous confère la loi dans le seul intérêt de notre pays à chaque fois que les circonstances l’exigent. Il en est ainsi de la période actuelle. L’article L18 du code électoral constitue le cadre idéal de notre collaboration’’, précise-t-il, ferme.

Quant au ministre de l’Intérieur, très prolixe ces temps-ci, il  est resté un peu plus réservé. A la suite du président de la Cena, les journalistes sont invités à retirer leurs micros et à sortir de la salle. Même les sacs et autres accessoires ont été mis dehors pour éviter tout enregistrement frauduleux. Se tient alors un long huis-clos (environ deux heures) entre d’une part la Cena et d’autre part le Ministère de l’Intérieur.

A la fin de cette rencontre, AbdoulayeDaouda  Diallo est resté presque aphone devant les  journalistes qui l’attendaient sur plein de sujets. Assailli par certains reporters, il déclare : ‘’Non il faut s’adresser au président de la Cena’’. Ni plus ni moins. Rapidement, il gravit les marches de l’escalier, une après une. Les Journalistes se précipitent alors dans la grande salle de réunion de l’institution où les attendait le dit président. La messe est dite Dès l’entame de son propos, le magistrat affirme : ‘’Nous sommes à quelques encablures des élections législatives. Beaucoup de questions sont agitées par la classe politique. Beaucoup d’interrogations posées par les populations. C’est le moment d’inviter tout le monde à la sérénité et à éviter cette violence qui a miné la campagne…’’. Cette précision faite, M. Ndir enchaîne avec certains sujets qui ont été au cœur des négociations avec le ministre. Parmi ces points : ‘’la question des électeurs qui se sont inscrits et qui ne peuvent pas recevoir leurs cartes’’.

A ce propos, rapporte-t-il, le ministre de l’Intérieur a déclaré ceci : ‘’Il y aura vraisemblablement des difficultés’’. ‘’Nous l’avons enregistré et avons essayé de savoir les raisons pour lesquelles ces cartes ne pourront pas être éditées’’. La messe est dite. Il faut noter que le président de la Cena a lâché le morceau avec beaucoup de peine, beaucoup d’hésitation.

Il convient aussi de noter que le président de la Cena, suite au huis clos avec le ministre a été on ne peut plus clément. Sur bien des questions, il tente tant bien que mal de défendre les services d’Abdoulaye Daouda Diallo. Ainsi en est-il par rapport à l’interpellation des deux jeunes en possession des cartes d’électeurs. Il répond de manière très ambigüe : ‘’l’enquête est en cours. Les autorités en charge de cette question ont répondu. Le Sous-préfet s’est expliqué… Maintenant qu’est-ce qu’on peut y faire ?… Peut-être pourrions-nous, à l’avenir souhaiter que les cartes soient remises entre les mains sécurisées, mieux sécurisées. Est-ce que les conditions définies par la loi ont été respectées, je ne peux rien vous dire à ce sujet. Seule l’enquête nous édifiera’’.

Doudou Ndir concède par ailleurs que ‘’les difficultés dans la distribution des cartes sont liées à un problème de tri. Les agents dédiés à cette tâche n’étaient pas très qualifié pour le faire. C’est un constat réel. Les agents de la DAF l’ont reconnu’’. Interrogé sur les solutions à mettre en œuvre pour résoudre ces difficultés, il déclare : ‘’Le ministre a dit qu’il y a des choses qui sont en l’air. Peut-être à la sortie de cette salle, peut-être demain, j’en serais plus informé. Mais le ministre a affirmé que sa volonté est de faire de sorte que tous les Sénégalais qui ont une carte puissent voter, que tous ceux qui sont inscrits puissent également voter.

Les conditions pour les matérialiser tout le monde y réfléchit. Il a annoncé une piste. Je ne peux vous en dire plus. Il a exprimé sa volonté. Toutes les parties prenantes vont y réfléchir’’. Sur l’éventualité de voter avec les anciennes cartes ou des permis de conduire, Doudou Ndir, un peu embarrassé, réplique : ‘’C’est une information que vous venez de me livrer. Comme vous l’avez dit ça circule moi je ne l’ai pas encore reçue. Peut-être c’est ce à quoi faisait allusion le ministre j’en sais rien. Parce que je suis confiné dans cette salle de conférence depuis ce matin. Peut-être en sortant d’ici je pourrais jeter un coup d’œil sur mon ipad et avoir le même niveau d’information que vous’’.


  •          EnQuete 
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