Nafy Ngom Keïta, présidente de l’Ofnac : «Les flux financiers illicites font perdre à l’Afrique plus de 50 milliards de dollars»

Invitée dans le cadre des débats publics de l’institut de formation Sup De Co sur le thème de la délinquance économique, la présidente de l’Office national de lutte contre la corruption (Ofnac) a expliqué lors de cette rencontre les conséquences de ces crimes sur l’économie des pays. Nafy Ngom Keïta est revenue par la même occasion sur les missions de l’organe qu’elle dirige.

La présidente de l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac) a été choisie par le groupe Sup De Co pour animer une conférence sur la délinquance financière. Face aux étudiants, Nafy Ngom Keïta a fait un exposé sur les méfaits de cette criminalité sur l’économie des pays. Selon Mme Keïta, une étude a montré que «le montant des pots-de-vin payés dans le monde chaque année s’élève à 1 000 milliards de dollars Us». «Ce montant n’inclut pas les détournements de deniers publics», affirme la présidente de l’Ofnac. «Les paradis fiscaux détiennent 26% des capitaux du monde et ne représentent pourtant que 1,2% de la population mondiale», a-t-elle expliqué.
Parlant du cas de l’Afrique, elle soutient que le continent «est particulièrement vulnérable, car son développement est sérieusement compromis par les flux financiers illicites». D’après Mme Keïta, «les flux financiers illicites font perdre plus de 50 milliards de dollars Us à l’Afrique, dépassant le montant de l’Aide publique au développement estimé à 46,1 milliards de dollars en 2012 pour le continent». «Entre 2001 et 2012, les pays africains ont perdu 407 milliards de dollars Us, du simple fait de la falsification des flux dans les transactions commerciales», a-t-elle déclaré.

Les progrès réalisés dans le cadre de cette lutte sont perceptibles

Devant se prononcer sur les réalisations de son organe spécialisé dans la lutte contre la fraude et la corruption, Mme Nafy Ngom Keïta soutient que le rapport n’a pas encore été présenté au chef de l’Etat. «Puisque la primeur lui est réservée, on ne va pas parler des réalisations de l’Ofnac», a-t-elle dit. Toutefois, elle souligne que les progrès réalisés par le Sénégal dans le cadre de cette lutte sont perceptibles. Selon la présidente de l’Ofnac, «dans le rapport fait par le groupe de travail de haut niveau, on explique que les flux financiers provenant du Sénégal représentent moins de 1% du Pib». De même, elle a mentionné les progrès du Sénégal dans le rapport de Transparency international concernant l’indice de la perception de la corruption.  «Classé 69ème mondial sur 174 pays en 2013, le Sénégal sort du lot en 2014 avec 43 points devançant ainsi plusieurs Etats africain. Il est 10ème au niveau africain et 3ème au niveau de la Cedeao», s’est-elle félicitée.
Mais pour continuer dans cette dynamique, la présidente de l’Of­nac soutient qu’il y a des dispositions à prendre. «Par exemple, un fonctionnaire, il faut le mettre dans des conditions minimales, il lui faut un salaire convenable surtout quand il gère des actes très importants», a-t-elle recommandé.
Malgré ces avancées, la présidente de l’Ofnac estime que «des insuffisances subsistent».
D’après Mme Keïta, il y a «de nombreuses limites dans le cadre juridique». Parmi celles-ci, elle souligne «la responsabilité des personnes morales qui ne peut être engagée dans les actes de corruption». «Notre droit pénal ne l’a pas encore prévu, cela n’est possible qu’en cas de blanchiment de capitaux», a-t-elle expliqué. Dans la même veine, elle souligne que «la loi 2012-30 du 28 décembre portant création de l’Ofnac n’a pas octroyé toutes les prérogatives comme celles définies pour les officiers judiciaires, c’est-à-dire de faire des gardes à vue et des perquisitions». «C’est important parce qu’on a besoin de protéger la preuve», a-t-elle soutenu.

L’Ofnac accusé de vouloir entendre les partisans du «Non» au référendum : «C’est du bavardage inutile», selon Nafy Ngom Keïta

Lors de cette conférence, Nafy Ngom Keïta a tenu à réitérer l’indépendance de l’Ofnac. Accusée de vouloir entendre les «nonistes» au référendum du 20 mars dernier, la présidente de l’Ofnac estime que c’est du «bavardage inutile». «Nous sommes de grands commis de l’Etat venant d’horizons divers avec une expertise avérée et une conscience nette des missions qui nous sont confiées. Nous ne faisons pas de la politique, il faut que les gens acceptent de rendre compte des actes qu’ils posent. C’est le principe de la reddition des comptes», a-t-il expliqué.
D’après la présidente de l’Ofnac, l’organe est là pour surveiller en toute indépendance. «On peut entendre aujourd’hui un homme politique qui est de l’opposition et demain celui qui est au pouvoir. Franchement, on ne peut continuer à faire du bavardage inutile, nous sommes indépendants», a-t-elle lâché.

Dieynaba KANE – Le Quotidien

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