Macky Sall est-il un président en mal d’autorité… ?

L’Office national de lutte contre la fraude et corruption (Ofnac), créé par le chef de l’Etat Macky Sall au lendemain de son accession à la magistrature suprême pour promouvoir la transparence dans la gestion des ressources publiques peine aujourd’hui à remplir convenablement cette mission. La charge de traquer les collaborateurs du chef de l’Etat qui se rendraient coupables de malversation semble buter sur la tendresse du chef de l’Etat qui avait pourtant clairement dit qu’il ne protégerait personne.

Macky Sall est-il un président en mal d’autorité quand il s’agit de prendre des sanctions contre ses compagnons qui seraient en marge de la loi? Et cela, en dépit de sa sévère mise en garde à l’endroit de ses collaborateurs, lors de son discours prononcé à la cérémonie d’ouverture de la conférence régionale sur les déclarations de patrimoine tenue à Dakar les 26 et 28 mai 2014, et par lequel il disait que «la Cour de répression de l’enrichissement illicite ­­(Crei), c’est pour la gestion antérieure, mais l’Ofnac, c’est pour nous, puisqu’il s’agit de ceux qui gèrent aujourd’hui ». Mais aussi, de sa promptitude à livrer à la justice ses adversaires politiques coupables de faute de gestion (Karim Wade, Khalifa Sall, Tahibou Ndiaye etc). En vérité, le chef l’Etat semble impuissant face à ses collaborateurs épinglés par des corps de contrôle de l’Etat. La suite réservée au premier rapport 2014-2015 de l’Ofnac illustre bien la «tendresse» protectrice du chef de l’Etat à l’égard de ses partisans.

Rendu public le 24 mai 2016, soit quatre ans après la création de l’Ofnac, le rapport d’activités 2014-2015 avait épinglé la gestion de plusieurs personnalités publiques proches du président de la République. Il s’agit entre autres de l’actuel directeur général du Centre des œuvres universitaires de Dakar (Coud), Cheikh Oumar Hanne, responsable du parti au pouvoir dans le département de Podor et maire de la commune de Dioum, de Siré Dia, directeur général de la Poste et responsable de l’Apr à Thiès pour ne citer que ces deux responsables très proches du chef de l’Etat. Pour ce qui concerne le directeur du Coud, il est accusé par le rapport 2014-2015 de l’Ofnac d’avoir ; entre autres, procédé au fractionnement des commandes dans les marchés, octroyé des subventions irrégulières mais aussi de détournement de deniers publics et de faux et usage de faux.

En plus de ces charges, ce rapport de l’Ofnac a également recommandé que Cheikh Oumar Anne soit non seulement relevé de ses fonctions de directeur du Coud mais aussi que toutes les mesures soient prises pour qu’il ne soit plus nommé à la tête d’un organe public. S’agissant de la gestion du directeur général du groupe Sn la Poste, Pape Siré Dia, le même rapport 2014-2015 de l’Ofnac fait état des pratiques de faux et usage de faux sur les marché d’acquisitions de fournitures de bureau portant sur d’importantes sommes d’argent encaissées sur la base de faux bons de commande, confectionnés pour faire croire que des matières ont été distribuées à des agences et services de Postfinance.

Toutefois, en dépit de ces graves accusations portées contre ces deux proches du président de la République, ceux-ci n’ont jamais fait l’objet d’une convocation par les services du procureur de la République. Au contraire, on a même assisté à une sorte de prise de position du maître des poursuites pour ces personnalités proches du président de la République lors de la conférence de presse qu’il avait convoquée sur l’affaire de la Caisse d’avance de la ville de Dakar. Interpellé par des journalistes sur le sort réservé à ce rapport de l’Ofnac, le 3 mars 2017, Serigne Bassirou Guèye pour ne pas le nommer, tout en confirmant les propos de l’ancienne présidente de l’Ofnac, Nafi Ngom Keita, qui avait annoncé que sa structure, conformément à la Loi, a transmis 9 dossiers à la justice, avait toutefois tenu à minimiser. «Le rapport de l’Ofnac est en train d’être étudié par la section financière de mon parquet. Je sais qu’il y a beaucoup de bruit autour de cette question. Vous verrez que c’est comme un mauvais gruyère, il y a plus de trous que de fromage».

Résultat, trois ans après la publication de ce rapport, les personnalités incriminées continuent non seulement de vaquer librement à leurs occupations mais sont maintenues à leur place à la tête des structures où leur gestion a été incriminée par l’Ofnac.

Nando Cabral GOMIS

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