Législatives 2017 : les leçons d’un scrutin

L’Organisation

On est unanime à constater que l’organisation de ces élections a été chaotique à tout point de vue: des cartes biométriques non disponibles, un fichier électoral qui laisse à désirer, des bureaux non fonctionnels, un démarrage tardif des opérations de vote etc. Ceci est dû en partie au fait que l’administration en charge de confectionner ces cartes n’a pas eu assez de temps pour le faire et avoir un retour sur les contentieux afin de les corriger à temps. Quand vous ne disposez pas d’assez de temps tout risque d’être fait dans la précipitation engendrant ainsi des erreurs qui peuvent même faire rire des fois: des noms d’homme pour des femmes, des tailles « impossible » pour un adulte…..

Il va falloir corriger tout ceci avant la Présidentielle de 2019 et avec méthode. Déjà, en s’inscrivant les gens communiquent leur numéro de téléphone donc on peut bien leur envoyer un texto pour les informer que leur carte d’identité est confectionnée et disponible à tel lieu. Il faudra aussi ouvrir des périodes pour gérer les contentieux surtout pour ceux qui ont reçu leur pièce mais ne figurent sur aucune liste et pour ceux là qui ont noté des erreurs sur les leurs.

La plateforme de consultation mise à la disposition des populations est un bon outil en soit même si elle comporte en elle même des erreurs. Ensuite la communication autour de cet outil n’a pas été bien menée car elle n’a pas tenu compte de la spécificité de la cible et les canaux de diffusion n’étaient pas des meilleurs.

Le Scrutin

Malgré tous les couacs constatés ici et là, le scrutin s’est quand même déroulé et ces élections sont derrière nous. À un moment certains ont agité l’idée d’un report mais j’avais clairement indiqué que si l’Etat reporte ces joutes électorales ce serait la fin du régime en place.

 L’on a bien noté que même si dans beaucoup de centres de vote le scrutin s’est déroulé sans anicroche, on ne peut pas en dire autant pour Touba et la Côte d’Ivoire par exemple.

Le cas de Touba mérite que l’on s’y attarde surtout quand on sait que le khalife avait appelé à sortir voter massivement et dans la paix. Depuis quelques années la politique est entrain de polluer l’atmosphère dans la cité religieuse. Des gens n’hésitent plus à brandir des armes, saccager des biens d’autrui, incendier des édifices appartenant à l’État.

L’autre constat est que Touba reste fidèle à Me Abdoulaye Wade car ce dernier à mon avis a tranché très tôt l’équivoque qu’il peut y avoir entre une autorité politique et son statut de talibé. Même s’il est arrivé au pouvoir en tant que politicien, Wade a gouverné en tant que talibé mouride. L’on se rappelle qu’à ses débuts, il refusait même de se mettre dans un fauteuil quand il rencontrait le khalife.

Celui ou celle qui veut lui ravir cette vedette doit emprunter ce chemin avec sincérité. Ce n’est pas en investissant un petit fils ou en mettant en scelle un responsable que cela va changer. Nous savons tous qu’au sein des petits fils il y’a une division telle que chacun a son propre groupe. Touba est politique mais Touba reste foncièrement religieux !

Les résultats

Autre chose qu’une victoire de Benno Bokk Yakaar nous aurait tous surpris.

D’habitude le parti au pouvoir gagne les élections législatives et locales (même Wade avait gagné en 2009).

Gagner à Kaolack, Fatick, Diourbel, Tamba, Matam n’est pas une surprise pour un observateur averti. Cependant perdre à Kédougou c’en est une.

Dans cette région que nous avons souvent visitée, nous avions bien senti que Hadji Cissé n’avait plus la connexion suffisante avec la population pour y remporter des élections. En sus de cela il y’a eu durant cette année des événements douloureux dans la région et les habitants n’ont pas trop senti le soutien de M. Hadji Cissé. Maintenant si Moustapha Guirassy qui est considéré comme un enfant prodige, un éminent intellectuel, un fils de la région qui a réussi, remporte les élections dans la zone, c’est bien logique.

Quid de Kolda ? Là aussi BBY a voulu compter sur un Bekaye Diop qui a presque pris sa retraite politique dans la région et sur le Ministre Abdoulaye Bibi Baldé qui n’a aucune visibilité même pour ses actions dans le gouvernement. Je m’excuse d’être cru mais c’est ainsi. Voilà un Monsieur dont on oublie facilement qu’il fait parti du gouvernement de Dionne. En face il y’a par contre un Fabouly Gaye qui est resté au PDS malgré les difficultés et a réussi à maintenir les porteurs de voix autour de lui, même s’il faut reconnaître aussi que le passage de Wade dans cette ville durant la campagne a fortement contribué à la victoire finale.

Podor ? Parlons en. Aissata gagne la commune et perd le département. Avant le tempo à Podor était donné par la commune mais plus maintenant. Il y’a une réelle déconnexion entre la commune de Podor et les autres localités qui se sont totalement affranchies. La Présidente de Osez l’avenir doit davantage s’investir dans le département avec méthode et comprendre que dans sa localité les électeurs hors de la commune sont aussi nombreux que ceux dans la ville.

Concernant Saint Louis, Cheikh Bamba Dieye n’a pas réellement participé au combat. Lui qui est allé sur la liste nationale de la coalition Manko Taxawu Sénégal. En participant aux joutes au niveau du département, il pouvait bien affaiblir le maire Mansour Faye au profit de Braya. Ce dernier compte toujours sur les électeurs de Guet Ndar mais ce n’est guère suffisant. Braya est resté avec les siens en construisant sa maison au milieu du quartier populeux des pêcheurs (Guet Ndar). Cependant à Saint Louis, une nouvelle structuration du vote est entrain de prendre forme. Les quartiers périphériques se peuplent petit à petit et les autres communes du département commencent à porter un nouveau discours.

Maintenant Dakar, le gros morceau !

On peut résumer la situation en rappelant que qui gagne les Parcelles Assainies remporte Dakar. Le leadership éclaté entre Amadou Ba et Diouf Sarr a apparemment porté ses fruits. J’ai suivi la campagne sur le terrain de Amadou Ba et de Moussa Sy, les deux principaux rivaux aux Parcelles, en tant qu’observateur bien sûr. Tous les deux ont commis des erreurs de stratégies et c’est pourquoi ils ont peiné à prendre de l’envol dans leurs campagnes.

Le Ministre Amadou Ba a corrigé sur le fil contrairement à Moussa Sy qui s’est embourbé.

A Guediawaye, c’est Malick Gakou lui même qui a créé l’arme qui lui a été fatale. En désistant lors des dernières locales au profit de Aliou Sall, il ne comprenait pas qu’il était entrain de faire de lui son patron. En posant cet acte, M. Gakou avait fini d’offrir ses propres militants à M. Sall.

 L’autre erreur est à rechercher dans sa communication. Il a voulu coûte que coûte faire passer Aliou Sall pour l’homme à abattre attirant ainsi une vague de sympathie pour cet homme qu’il fallait protéger en tant que maire de la ville.

Des leçons pour l’opposition :

 Une seule et unique leçon à tirer : tant que vous ne serez pas unis vous n’y arriverez point !

 Les égos surdimensionnés entre Niass et Tanor leur avaient fait perdre les élections de 2012 avec leur fameux Benno éclaté en Siggil Sénégal et Benno ak Tanor.

Les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets.

J’oubliais ! Il leur faut comprendre aussi que les élections ne se passent pas uniquement dans les grandes villes, à la télé et les réseaux sociaux.

Des leçons pour la mouvance présidentielle :

Pour la coalition au pouvoir, c’est surtout d’avoir le triomphe modeste et de ne pas croire que tout est rose. Il leur faudra analyser les résultats, commune par commune, département par département, région par région et les comparer aux élections passées.

Il leur faut surtout comprendre que tous ces électeurs qui n’ont pas voté pour BBY ne l’auraient certainement pas fait pour Macky Sall si c’était une élection Présidentielle. Ce qui veut clairement dire que le candidat de BBY serait aujourd’hui au 2e tour avec un peu moins de 50% et l’on sait tous comment ça se passe dans ces cas là.

Il faudra aux responsables et militants de l’APR de faire preuve plus de générosité afin d’accueillir de nouveaux venus car presque à l’unanimité tous les gens qui soutiennent le Président et qui ne sont pas de son parti se plaignent d’un manque d’ouverture et de solidarité. S’ils comprennent qu’à eux seuls, ils ne peuvent pas assurer un second mandat à M. Macky Sall les choses seront plus aisées. C’est dans cette même lancée qu’il va falloir travailler à avoir Baldé, Aissata Tall Sall, Guirasssy dans la coalition au pouvoir.

Il va aussi falloir revoir l’attitude des militants qui aujourd’hui exaspère le simple sénégalais. Dans presque toutes les localités, les responsables de l’APR se regardent en chiens de faïence. C’est le cas à Kaolack (Diene Farba contre Mariama Sarr), à Fatick (Matar Ba et Mbagnick contre Cheikh Kanté et Woula Ndiaye), à Matam (Farba Ngom contre Harouna Dia), à Mermoz Sacré Cœur ( Marième Badiane contre Ndeye Bineta Gassama)….la liste est bien longue.

Dans un autre registre des efforts doivent être faits dans la clarté de l’offre politique avec des gens crédibles, respectueux et qui iront porter le message.

En somme, nous retenons tous que des efforts doivent être faits de part et d’autre, et que le peuple sénégalais est devenu une bête électorale capable de tout balayer sur son chemin.


Souleymane LY

Spécialiste en communication

Spécialiste en leadership transformationnel

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