La loi sur l’interdiction du sachet plastique au Sénégal tarde à se matérialiser

Presque deux ans après son vote à l’Assemblée nationale, la loi sur l’interdiction du sachet plastique au Sénégal tarde encore à se matérialiser. Ce qui irrite les industriels sénégalais spécialisés dans la confection d’emballages en papier ou biodégradables. Ils l’ont fait savoir hier, lors de l’ouverture du salon qui leur est dédié.

Adoptée à l’unanimité, le 21 avril 2015, la loi relative à l’interdiction de la production, de l’importation, de la détention, de la distribution, de l’utilisation des sachets plastiques de faible micronnage est entrée en vigueur au Sénégal depuis janvier 2016. Sur ce, le ministère de l’Environnement et du Développement durable a procédé à l’installation du Comité de suivi de l’application de la loi le 10 août 2017. Cependant, le constat est que jusqu’à présent, ces sachets continuent d’être utilisés sur le marché, aussi bien par les commerçants que les ménagères. Ce qui constitue, selon les acteurs du secteur de l’emballage en papier, un frein pour l’expansion de leurs activités. ‘’Le problème que nous rencontrons essentiellement sur le terrain, ce sont les sachets plastiques avec des grammages inférieurs à 30 microns. Ça pose beaucoup de problèmes. Ce qu’on a très à cœur, c’est de pouvoir faire quelque chose pour le Sénégal et cette éradication du sachet en plastique pour nous, c’est un objectif. Le plastique est vendu comme du tissu et ça fait mal de le voir’’, déplore la directrice commerciale de Ruf Sac, Patricia Merdjan.

Venue exposer pour la première fois au Salon international de l’emballage et de l’alimentation, ouverte hier à Dakar, cette dame rapporte qu’au début, quand la réglementation est passée, ‘’ça a très bien démarré’’, leur clientèle a augmenté. ‘’Et puis là, il y a un ralentissement du fait que les gens pensent que le plastique est de nouveau autorisé. Car, on trouve vraiment tous les grammages sur le marché. Ça, ce n’est pas bon pour le pays, ni pour nous, et encore moins pour l’industrie sénégalaise’’, insiste-t-elle. Aujourd’hui, pour la directrice commerciale de Ruf Sac, une entreprise spécialisée dans la fabrication de sachets en papier biodégradables, tout ce que le gouvernement peut faire pour les accompagner, c’est faire appliquer la loi. Faire un peu de sensibilisation sur le terrain. ‘‘Quand on va dans les régions et qu’on voit tous ces sachets, ces sacs, ces détriments en plastique qui sont au bord des routes, ça va fait mal’’, regrette-t-elle.

En réalité, le problème des sachets plastiques date de très longtemps. A la limite, ‘’ancré’’, selon le responsable de la Pme Ecoflex Babacar Sarr, dans les habitudes de consommations des Sénégalais. ‘’D’où viennent ces sachets ? Si c’est de l’importation, qu’on l’arrête. L’Etat a les moyens de le faire. Ces sachets sont aussi fabriqués par des entreprises sénégalaises établies. Quand on veut faire quelque chose à ce propos, qu’on ferme ces entreprises. Si les gens n’ont plus ces sachets sur le marché, ils ne vont pas les utiliser’’, préconise-t-il. M. Sarr soutient que dans ce processus, il y a ‘’un jeu de l’autruche’’ du côté des autorités étatiques. ‘’Les entreprises sont connues, il y a la Direction des établissements classiques qui est capable de dire qui fait quoi, quand, où et comment’’, renchérit-il. En effet, la Pme que dirige M. Sarr est également dans le domaine de la fabrication et la commercialisation d’étanchéité, d’isolants thermiques, d’emballages électroniques pour les fruits et légumes.

Une évaluation exhaustive de la loi sur l’interdiction en vue

Aujourd’hui, les industriels dans l’alimentation et l’emballage ressentent, selon le directeur de cabinet du ministre du Commerce, Augustin Faye, ‘’un intérêt à venir’’ au Sénégal pour présenter leurs produits. Parce que le marché sénégalais dans ces deux domaines est en pleine expansion. Dès lors, interpellé sur la question, le représentant d’Aliou Sarr a fait savoir qu’il va falloir qu’ils fassent une ‘’évaluation exhaustive’’ de la loi sur l’interdiction des sachets plastiques pour mesurer son application. ‘’Même si l’application fait défaut, on a pu quand même constater en réalité une réduction de l’utilisation des sachets plastiques. Cela a pu également se constater à travers la pénétration des emballages en papier. En attendant donc d’avoir une évaluation beaucoup plus globale et exhaustive, on peut se réjouir déjà’’, dit-il.

Au fait, M. Faye a rappelé que l’idée qui a sous-tendu cette loi, c’est en réalité des ‘’préoccupations environnementales’’ liées au fait que les déchets plastiques mettaient du temps à se dégrader. ‘’Il fallait, pour préserver notre environnement, pour nous et pour les générations futures, essayer de prendre des mesures qui puissent restreindre véritablement l’utilisation des sachets plastiques’’, poursuit-il. Ainsi, il a indiqué qu’il y a des mesures d’accompagnement à l’échelle nationale pour encourager l’utilisation d’emballages biodégradables ou recyclables. ‘’En réalité, l’utilisation n’est pas absolue. Ce ne sont pas tous les types de sachets plastiques qui sont prohibés. Malgré l’avènement de la loi, il va subsister une utilisation de ces sachets plastiques là où d’autres vont complétement disparaître. Il appartient au ministère de veiller à une bonne application de la loi’’, précise-t-il.

Même si le directeur de cabinet du ministre du Commerce affirme l’existence de mesures d’accompagnement de la loi sur l’interdiction des sachets plastiques, Africa Check informe, dans une édition sur le sujet publiée le 18 août dernier, que pour les six premiers mois de 2017 déjà, 1 170 tonnes ont été importées. Ce qui a nécessité une enveloppe de plus de 827 millions de francs CFA.

MARIAMA DIEME – EnQuête

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