Khalifa SALL : Le début d’une saga judiciaire !

Depuis 2012, le président de la République Macky Sall a reçu une foultitude de rapports des organes de contrôle et d’audit. “87 rapports et sous-rapports ont été remis et publiés”, selon les confidences du Premier ministre. Et font l’objet d’une attention particulière. Longtemps souhaité, le chef de l’État a fini par “lever le coude” sur un premier rapport ; celui de l’Inspection générale d’Etat qui épingle la gestion des collectivités locales. Le premier à être convoqué est le maire de la Ville de Dakar, Khalifa Sall, attendu ce matin à la DIC. Sera-t-il l’agneau du sacrifice ou assiste-t-on au début d’un long défilé devant les policiers de la DIC ?

Le maire de la Ville de Dakar sera aujourd’hui devant les enquêteurs de la Division des investigations criminelles (DIC). Khalifa Sall y sera pour s’expliquer sur la gestion de la caisse d’avance de la mairie de la capitale sénégalaise qu’il dirige depuis 2009. En effet, c’est un rapport de l’Inspection générale d’Etat (IGE) qui envoie le socialiste devant les policiers enquêteurs. Un rapport sur lequel le chef de l’Etat Macky Sall a décidé de “lever le coude” pour que la procédure judiciaire puisse être déclenchée.

Depuis plusieurs années, le président de la République a reçu de nombreux rapports d’audit ou de contrôle, que ce soit de l’IGE, de l’Office national de lutte contre fraude et la corruption (OFNAC), de la Cour des comptes, de l’Autorité de régulation des marchés publics…, épinglant des individus. Que de fois les organisations de la société civile ont fait des pieds et des mains pour que des poursuites soient enclenchées ! Sans être entendus.

On se rappelle la sortie du directeur du Centre des œuvres universitaires de Dakar, Cheikh Oumar Hann, après la publication du rapport d’activité 2014-2015 de l’OFNAC. Il n’avait pas manqué de rejeter toutes les accusations portées contre sa gestion du Coud pendant cette période et même menacé de porter plainte contre l’OFNAC. Il voulait poursuivre Nafi Ngom Keita pour “diffamation et violation du secret professionnel”. Cheikh Oumar Hann avait reçu des soutiens au sein même de la Présidence de la République dans son “combat” contre Nafi Ngom Keita dont le seul tort était d’avoir révélé, sur la place publique, la
bamboula au Centre des œuvres universitaires de Dakar. Le Directeur de cabinet du président de la République avait fait une sortie pour défendre le directeur du Coud et dénoncer la démarche de l’OFNAC qui, selon lui, n’avait pas respecté l’obligation de réserve de ses agents. Ce document peut-être même considéré comme la pomme de discorde entre le régime et l’ancienne présidente de l’OFNAC, Nafi Ngom Keita, qui a été remplacée très rapidement par Seynabou Ndiaye Diakhaté.

Khalifa l’agneau de sacrifice ? Le 20 juillet 2015, recevant le fameux rapport de l’Inspection générale d’Etat, lors d’une cérémonie solennelle au palais de la République, Macky Sall avait cette fois-là promis que le rapport ferait “l’objet d’un examen attentif de sa part pour en déduire toutes les mesures idoines”. On se demandait si ce rapport allait connaître le même sort que les autres. Que nenni ! La machine judiciaire a finalement été enclenchée. En le premier à répondre sera Khalifa Sall, le maire de la Ville de Dakar. Qui lui, voit tout cela d’un très mauvais œil. Dernièrement, il a qualifié de “coïncidences politiquement troublantes” son audition concomitante aux déboires judiciaires de ses camarades de parti Bamba Fall, maire de Colobane, et Barthélémy Dias, le maire de Mermoz-Sacré-Cœur. Toutefois, ce qui détonne dans cette affaire est que, justement, le maire de Dakar a souvent été présenté comme le bon élève dans la gestion des deniers publics. Dans beaucoup de rapports d’audits de l’Autorité de régulation des marchés publics, la Ville de Dakar est citée comme un “modèle” dans les passations de marchés. « La ville de Dakar a une excellente progression depuis les audits de 2008, car toutes les recommandations de 2009 et 2010 ont été apurées”, avait indiqué le consultant Baye Ibrahima Diagne, membre de l’ARMP , dans une communication exposée lors de la cérémonie de présentation du rapport 2011 de l’ARMP . Dans le rapport 2015 de l’ARMP publié
récemment, il est encore indiqué : “A notre avis, la Mairie de Dakar s’est conformée de manière satisfaisante aux dispositions et procédures de passation et d’exécution des marchés publics.” Moins d’un mois après, Khalifa Sall, qui a toujours été considéré comme un “poster de transparence” pour avoir fait une déclaration de patrimoine en publiant la liste de ses biens mobiliers comme immobiliers devant un jury d’honneur composé du doyen Amadou Makhtar Mbow, de l’écrivain Cheikh Hamidou Kane, de Mouhamadou Mbodj du Forum civil, entre autres, va répondre aujourd’hui sur la gestion de la caisse d’avance de sa mairie. Une “nébuleuse” estimée à près de 3 milliards de F Cfa.
87 rapports et sous-rapports Coïncidences ou tentatives de liquidation d’un adversaire politique, en tout cas le chef de l’Etat avait déjà annoncé les couleurs à ses collaborateurs. “Il faut que tout soit clair : ceux qui sont concernés par ces rapports, ceux qui sont interpellés sur des faits présumés délictuels n’ont qu’à aller se justifier devant la Justice. Me concernant, je ne protégerai personne. Que cela soit très clair”, avait-il prévenu. La procédure est donc enclenchée. Le maire de Dakar sera-t-il l’agneau de sacrifice ? Après lui, d’autres vont-ils suivre ? D’autant plus que le 20 mai 2015, c’était la troisième fois que le chef de l’Etat recevait le fameux rapport de l’IGE, depuis son accession à la magistrature suprême.

Tous les actes de gabegie et d’abus dans la gestion des finances publiques contenus dans ces rapports seront rangés dans les placards de la présidence de la République ? Lors de son passage à l’Assemblée nationale, le chef du gouvernement, Mahammed Boun Abdallah Dionne, interpellé par les parlementaires sur ces rapports qui sont rangés dans les tiroirs, avait promis qu’il y aurait des “poursuites” contre les personnes incriminées. Le Premier ministre avait estimé que “87 rapports et sous-rapports ont été remis et publiés”. “Ils sont en train de faire l’objet d’une exploitation sous forme de directives gouvernementales. Nous sommes en train d’envoyer des lettres donnant instructions au département de la Justice d’engager des poursuites”, avait renseigné le Premier ministre.
Awa Ndiaye et El Hadj Seck Ndiaye Wade promus En attendant, à l’épreuve des faits, on se rend compte que, depuis l’avènement de la deuxième alternance, les personnes épinglées par des rapports d’audit ou de contrôle et punies sont des adversaires politiques du président de la République Macky Sall. Coïncidence ou simple fruit du hasard ? Karim Wade, aujourd’hui libre, a payé le plus lourd tribut pour avoir séjourné quelques années en prison. Khalifa Sall file tout droit à l’échafaud. Pendant ce temps-là, Awa Ndiaye était épinglée dans un rapport et est aujourd’hui totalement blanchie. Cerise sur le gâteau, elle est devenue la présidente de la Commission des données personnelles.

Ousmane Ngom qui faisait partie de la liste des 25 personnes citées pour enrichissement illicite n’est plus inquiété. Quid de l’ancien directeur des Transports terrestres, El Hadj Seck Ndiaye Wade, qui a été épinglé pour “corruption avérée”. Aujourd’hui, il a quitté la direction des Transports terrestres pour être promu président du Conseil d’administration du Fonds d’entretien routier autonome du Sénégal (FERA). Ce qui avait fait dire à Mody Niang, ancien membre de l’OFNAC, dans un entretien accordé à EnQuête, que le président de la République Macky Sall “bénit la corruption, puisqu’il protège ses amis dont la gestion de nos maigres deniers serait loin d’être catholique ; bénit la mauvaise gestion, puisqu’il ne sanctionne pas négativement”. “Il ne peut pas, il ne veut pas d’ailleurs, puisqu’il met le coude sur les dossiers compromettants.”

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.