Indépendance de la Justice : Macky Sall trace la voie aux juges

Lors de la rentrée solennelle des Cours et Tribunaux qui s’est tenu hier, jeudi, le chef de l’Etat s’est adressé aux juges qui luttent pour l’indépendance de la justice. Ainsi, le président du Conseil supérieur de la magistrature (Csm) prône une réflexion inclusive. Laquelle, précise Macky Sall, ne sera pas exclusivement l’affaire des magistrats.

Le moment est bien choisi. Le lieu également. La rentrée solennelle des Cours et Tribunaux s’est tenue hier à la Cour suprême. Et les acteurs de la justice ont répondu présent à l’appel.

Présidant la cérémonie, le chef de l’Etat a saisi cette occasion pour rassurer les magistrats qui, depuis quelques années, ruent dans les brancards pour réclamer l’indépendance de la justice ainsi que son départ de la tête du Conseil supérieur de la magistrature (Csm).

Macky Sall a entendu les complaintes des juges. Récemment, l’Union des magistrats du Sénégal (Ums) a organisé un colloque national pour déplorer la mainmise de l’Exécutif sur le Judiciaire. Elle avait même choisi comme thème “L’indépendance de la justice au Sénégal : état des lieux et perspectives de réformes”. Poussant ainsi leur président, Souleymane Téliko, à plaider pour le renforcement des garanties d’indépendance des magistrats du parquet et le principe d’inamovibilité.

Mais, loin de leur donner une réponse immédiate, Macky Sall pré- fère jouer la carte de la prudence. “Je suis d’accord que nous avons l’un des meilleurs systèmes juridictionnels, il faut le reconnaitre, mais il est également perfectible.

Dans cette recherche perpétuelle de l’amélioration de la justice, je vous invite, avec le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice Ismaïla Madior Fall, à une démarche inclusive pour réfléchir sur les mécanismes d’amélioration et de modernisation de notre justice”, propose, d’emblée, le chef de l’Etat.

Avant de préciser que cette réflexion inclusive ne sera pas qu’uniquement l’affaire des magistrats. A l’en croire, il faudra que ce débat implique aussi les professeurs, les avocats, les notaires, les huissiers, les commissaires priseurs et la société civile pour explorer toutes les voies possibles afin de rendre la justice plus performante et plus accessible. “Quant à moi, je suis ouvert à toutes les propositions sur la modernisation de la justice et sur l’indépendance de la magistrature. Y compris sur la question du Conseil supérieur de la magistrature qui revient toujours dans la presse.

Il n’y a pas de tabou, pourvu que la réflexion soit inclusive et qu’elle profite à la justice. Aucun sujet tabou ! Je suis prêt à aller le plus loin possible pour la modernisation de notre justice”, a fait remarquer Macky Sall.

Le réquisitoire de Cheikh Ahmed Tidiane Coulibaly

En écho à ces propos, le procureur général près la Cour suprême a déclaré qu’il doit y avoir entre le Législatif, l’Exécutif et le Judiciaire des rapports de franche collaboration pour assurer un équilibre nécessaire au bon fonctionnement de l’État.

Cheikh Ahmed Tidiane Coulibaly de souligner que la justice doit être le tiers impartial à même de trancher tout litige qui lui est soumis. Mais, dit-il, à l’instar de tout pouvoir, elle doit, dans une juste mesure, être contrôlée afin d’éviter tout débordement. Non sans convoquer la logique de Montesquieu affirmant que “le pouvoir arrête le pouvoir” afin d’éviter que “tout homme qui a du pouvoir ne soit tenté d’en abuser”. Le juge de signaler, toutefois, que “cette logique s’applique au pouvoir Judiciaire autant qu’aux pouvoirs Législatif et Exécutif”.

“Les magistrats ne doivent chercher à conquérir et revendiquer leur indépendance en mettant en cause le pouvoir politique. Le Législatif et l’Exécutif ne doivent pas non plus chercher à exercer sur le Judiciaire un contrôle inapproprié. La justice doit demeurer neutre et impartiale, grâce à une indépendance garantie et un contrôle limité”, a-t-il fait savoir.

Cheikh Ahmed Tidiane Coulibaly a ajouté que “la réflexion déontologique concerne tous les magistrats, tous responsables des apparences que nous donnons à voir et à travers lesquelles tout le corps judiciaire est jugé par l’opinion publique”. Car, insiste-t-il, “tout juge doit savoir garder la mesure de l’équilibre, serein au milieu des pressions et des passions, et résister aux accommodements comme aux engouements”.

A l’endroit du ministre de la Justice, il lance : “Malesherbes disait que “toute infraction aux droits des tribunaux est une infraction aux droits des citoyens” et Usbck renchérissait en disant que “la justice élève sa voix, mais elle peine à se faire entendre dans le tumulte des pressions”. “Nous vous invitons à œuvrer avec elle pour qu’au-delà, et en dépit du tumulte, sa voix puisse s’élever et être entendue. Sans doute pourrait-il être envisagé une réflexion inclusive sur l’élargissement des pouvoirs, missions et composition du Conseil supérieur de la magistrature”, a-t-il fait savoir.

De son côté, le Premier président de la Cour suprême a rappelé que le juge est simultanément gardien des droits et libertés garantis par la Constitution et gardien de l’ordre public.

“Cette posture exige un sens élevé des responsabilités et, par-dessus tout, un respect scrupuleux des principes d’éthique et de déontologie qui ont pour vocation de garantir l’effectivité du principe de l’indépendance des juges, puisqu’en définitive, un magistrat indépendant est un magistrat compétent, impartial et intègre”, a laissé entendre Mamadou Badio Camara.

 

EnQuete

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.