Grande Interview – Education: Intégration des Etudiants Africains au Sénégal, 20 ans après sa création, le CACSUP dirigé par Ibrahima Eloi SARR honore son objectif et rassure pour l’avenir du continent

Crée en 1998 en République du Congo, le CACSUP avait pour mission de faciliter l’intégration des étudiants Congolais dans plusieurs autres pays de l’Afrique, suite aux évènements survenus dans ce pays. Situé en plein cœur de l’UCAD, le CACSUP est présent au Sénégal depuis 1999 avec à sa tête M. Ibrahima Eloi SARR qui, lors d’un entretien avec laviesenegalaise.com nous a fait part des grands axes du Centre Africain de Complémentarité Scolaire et Universitaire pour la Promotion (CACSUP). De l’octroi des bourses, au franc cfa en passant par plusieurs de leurs réalisations ainsi que les voies par lesquelles la jeunesse devrait emprunter pour assurer le développement du continent, M. SARR a décortiqué de long en large le programme stratégique du son institution. Convaincu que la force du continent africain n’est autre que sa jeunesse, le diplômé en management des organisations internationales est d’une ferveur religieuse quant au développement de l’Afrique. Une vive conviction à partir de laquelle, on déduit que : «pour ce qui est de l’avenir, il ne s’agit pas de le prévoir, mais de le rendre possible» donc, ne dites jamais, jamais.Ibrahima Eloi SARR - Président Directeur Général de CACSUP - SENEGAL

Entretien

LVS : Présentez-vous à nos internautes s’il vous plaît 

Je m’appelle Ibrahima Eloi SARR, président du CACSUP-Sénégal, président du Groupe ICAGI Amadou Matar MBOW et par ailleurs vice médiateur de l’UCAD.

LVS : Parlez-nous un peu de cette institution Africaine que vous dirigez ici au Sénégal depuis presque 20 ans, je veux parler du CACSUP ?

Le CACSUP est une firme non gouvernementale qui intervient dans l’éducation, la santé et l’environnement, c’est une structure qui a été créée en 1998 au Congo Brazzaville. Et comme vous le savez en 1998, le Congo a connu une guerre civile où tout le système éducatif était paralysé, et les étudiants avaient beaucoup de problème à poursuivre leurs études. C’est dans ce cadre que des intellectuels Africains se sont retrouvés pour créer une structure qui s’appelle CACSUP. Dans un premier temps, pour aider les étudiants du Congo à s’inscrire dans des pays stables, à l’époque, la Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Mali j’en passe. En 1999, l’antenne CACSUP est ouverte au Sénégal et j’ai été mis à sa tête. Je n’étais même pas à l’assemblée générale constitutive, ils ont dit qu’il fallait à la tête un Sénégalais, un panafricaniste, quelqu’un qui est engagé pour le développement du continent. C’est dans ce cadre que ces intellectuels Africains sont venus spontanément vers moi, pour me dire que le premier Sénégalais qui a été ciblé et qui a le profil pour diriger cette organisation, c’était monsieur SARR. C’est ainsi que j’ai accepté d’être le coordonnateur de la structure dans un premier temps. D’abord, je leurs ai dit que c’était une très bonne chose de pouvoir aider les étudiants qui viennent surtout des pays en crise, les aider à s’inscrire dans des pays stables, mais on ne doit pas s’arrêter là. C’est après que nous avons révolutionné, en réorientant les programmes du CACSUP, en disant que maintenant, nous allons attaquer l’Education, la Santé et l’Environnement. Quand on parle de ces trois domaines, on parle forcément de développement durable. Donc au niveau de l’éducation, notre objectif c’est de faire des étudiants des acteurs pour le développement, un acteur pour le développement à notre avis, c’est quelqu’un qui connait ses droits et devoirs mais aussi qui se bat pour l’intérêt du pays et de l’Afrique. Comme vous le savez, l’Afrique a connu la colonisation, aujourd’hui encore, le continent reste confronté aux problèmes de développement. Ceci étant, il fallait que la société civile que nous sommes, élabore une stratégie pour aider les pays à se développer en misant sur les élèves et étudiants qui constituent, la force de notre continent.

LVS : Implanter une firme non gouvernementale de cette envergure dans un autre pays n’était nullement pas chose facile, sans compter les difficultés liées au travail, alors comment vous-vous en êtes pris au début ?

CACSUP dans un premier temps, lorsqu’on m’a confié la structure, on m’a donné simplement le récépissé en me disant, monsieur SARR, débrouilles-toi sans financement ni autre moyen pour aider ces étudiants qui venaient de ces pays  «Le Congo – Le Rwanda – La Centrafrique» à s’insérer dans des écoles de formation à Dakar. Et comme vous le savez, le Sénégal est un hub sur le continent dans le domaine de l’éducation et la formation professionnelle, parce que le pays dispose quand-même de grandes universités et de grandes écoles de formation. C’est dans cette optique qu’il fallait définir avec le CACSUP, une stratégie pour accueillir ces étudiants africains qui venaient ici à Dakar. A l’époque, tout étudiant africain qui descendait à l’aéroport et qui avait des problèmes, on lui disait automatiquement, va voir le président du CACSUP, il saura comment t’aider pour l’orientation, l’inscription et même des fois pour l’hébergement. Lorsque nous avons pu assurer tout cela, et puisque nous sommes en contact avec les étudiants africains, il fallait créer une synergie d’activité permettant de rassembler tous ces jeunes africains autour d’un certain nombre d’activité relative à la culture, à la science et au sport. Et c’est à partir de ce moment qu’on a créé ce qu’on appelle les journées d’intégration des étudiants africains au Sénégal; pour permettre effectivement à tous ces étudiants étrangers de se retrouver et de parler des problèmes liés au développement de l’Afrique, mais aussi de se connaître et de développer des activités culturelles, gastronomiques qu’on avait initiées. Encore faut-il rappeler que ces journées ont été financées et appuyées par la Banque Africaine de Développement, l’UEMOA et la CEDEAO. Aussi, on s’était dit que, si l’on pouvait faire tout cela, les écoles pourraient éventuellement organiser la même chose. Et par ces activités, beaucoup d’écoles de formations et même l’Université Cheikh Anta Diop a organisé «l’UCAD en fête» que vous connaissiez dans le temps. Ce sont des activités plus ou moins inspirées par le CACSUP et que beaucoup d’écoles de formation font pour l’intégration des étudiants étrangers. On s’était également rendu compte que beaucoup d’étudiants avaient un problème d’orientation, le choix des filières. Dans les pays développés plus souvent, quand tu demandes à un jeune élève, il te dira je veux faire tel bac, tel licence pour faire tel master, telle option pour devenir telle chose. Mais en Afrique véritablement, il y a un problème d’information, en amont il faut connaître ce qu’on appelle la carte universitaire et les opportunités de formations. C’est ainsi que le CACSUP a dit non ! Nous allons essayer d’accompagner les Etats dans l’accueil et l’orientation de ces jeunes étudiants. C’est à partir de là, que nous avons créé ce qu’on appelle le Carrefour International de l’Etudiant et de l’Emploi. Ce carrefour international est une activité phare du CACSUP, ça permettait à des écoles de formation, à des universités de venir communiquer avec les élèves qui venaient des régions à qui, on donnait la carte universitaire et les offres de formations, mais aussi, ça permettait au patronat, les sociétés, de venir aussi rencontrer les élèves pour voir s’ils sont formés comment faire pour les recruter. J’avoue que nous avons fait cinq très bonnes éditions à l’époque (4 éditions à Dakar et une à Ziguinchor dans le cadre du centenaire de la ville). Et plus tard on a arrêté l’organisation de cette activité parce qu’il y a eu des sociétés privées qui ont continué véritablement ce forum de l’emploi ou autre activité similaire. Ça veut dire que le CACSUP a tendance à innover parfois des projets stratégiques pour la jeunesse et prêt à partager pour que l’expérience puisse être produite soit par le secteur privé ou la société civile.

LVS : En parlant d’étudiants acteurs de développement, vous faites sans doute allusion à la citoyenneté, quelle innovation avez-vous apportée dans ce sens ?

On peut dire que le CACSUP a mis un accent particulier sur la capacitation citoyenne, ce qui est extrêmement important. La capacitation citoyenne implique que nous inculquons chez les étudiants, ce devoir citoyen. Chaque élève-étudiant doit savoir et prendre conscience de ce qu’il doit pouvoir apporter à la société, c’est pourquoi nous avons innover en créant ce qu’on appelle des campagnes médicales et vétérinaires. Ces campagnes, ce sont des consultations gratuites que nous faisons pour les populations ainsi que le bétail. Et ces caravanes médicales avaient deux objectifs : d’abord, ça permettait à nos jeunes étudiants médecins qui font partis du CACSUP, d’aller sur le terrain dans des zones très reculées du pays pour faire des consultations. Cela leurs servait d’apprentissage mais aussi une découverte ; parce qu’il y a certaines maladies pathologiques, qu’on ne peut pas trouver dans des hôpitaux et il faut des fois partir à Salemata ou ailleurs au fin fond dans nos villages pour voir certains signes de pathologie qu’on ne peut pas voir ici (en capitale). Ça leur permet d’apprendre mais aussi, ça leurs pousse à avoir ce culte du partage. Parce que quand on fait des consultations gratuites, ce sont des populations qui n’ont pas facilement accès aux soins et que véritablement quand on va, on leurs apporte des soins avec des spécialistes qui font des dons de médicaments. Aussi, ces caravanes permettent de sensibiliser. Parce que, quand nous partons pour les caravanes, beaucoup d’organisations communautaires de base et d’associations viennent nous rencontrer pour voir comment élaborer leurs projets de développement et autres programmes. Donc, c’est innovant et aussi, cette innovation porte surtout sur le fait que nous soignons les hommes et le bétail, d’où son nom «Campagne Médicale et Vétérinaire». Pendant que certains font la campagne médicale et d’autre vétérinaire, le CACSUP associe les deux.

LVS : Justement, en tant que biologiste de formation également, pourquoi les deux à la fois ?

C’est simplement pour les zoonoses qui sont des maladies infectieuses transmissible des animaux à l’homme et réciproquement. C’est pourquoi quand tu soignes l’homme et que vous laissez les animaux, il y a toujours ce facteur risque qui est là. Nous en avons organisé dix-sept caravanes et nous en sommes à la 18e qui sera à Kolda cette année et après nous irons en Guinée Bissau.

LVS : En votre qualité de vice médiateur de l’UCAD, quel acte concret avez-vous eu à poser pour renforcer la stabilité de l’université ?

Exactement, nous jouons également un rôle très important dans la gestion et la prévention des conflits. CACSUP s’est dit, puisque nous sommes à l’écoute des associations estudiantines, les amicales, les associations qui viennent nous voir, je pense que nous avions un devoir. C’est pourquoi nous avons à mon avis joué un rôle important dans la stabilité de l’université en les conscientisant en les faisant savoir qu’ils sont des leaders des mouvements étudiants, et aujourd’hui, qu’ils doivent avoir le réflexe de préserver l’université afin d’éviter les perturbations qui pourront affecter notre système éducatif qui est un exemple déjà sur le continent. Et là, CACSUP a toujours su gérer les situations à travers une confiance réciproque entre les amicales et la structure dans le cadre des activités qu’ils mènent, mais aussi dans la conscientisation pour la pacification de l’espace universitaire. Nous les accompagnons dans l’élaboration de leur plan d’action, dans l’objectif de la recherche de partenaire qu’ils font et dans le cadre même de la formation sur le leadership, parce que quand on est un président d’amical, on a besoin d’être formé en leadership. Et le CACSUP est là aussi pour les accompagner. A titre d’exemple, nous avons initié à la Faculté de Droit sur les trois dernières années la journée de l’excellence pour primer les meilleurs étudiants de cette Faculté. Ce qui constitue aujourd’hui une référence, car chaque année l’amical  organise avec l’administration et le ministère, une journée d’excellence pour récompenser les meilleurs. Il y a d’autres facultés qui sont en train de s’en inspirer. Et plus, nous souhaiterions avec le ministère, étudier comment organiser une journée d’excellence pour récompenser les meilleurs étudiants du Sénégal, ce qui sera aussi une innovation.

LVS : M. le président du CACSUP, vous octroyez souvent des bourses sociales à des étudiants notamment ceux en situation difficile, faites-nous un bref aperçu sur ce volet social de votre programme ?

Le CACSUP, dans le cadre de son plan de développement stratégique s’est dit que le côté social joue un rôle très important, parce que beaucoup d’étudiants échouent dans les universités, pour véritablement un problème de moyens, ils vivent dans des conditions extrêmement difficiles. Le logement, les bourses, le transport posent souvent des problèmes; nous avons également beaucoup d’étudiants venant des milieux défavorisés mais aussi les handicapés, les drépanocytaires, les albinos etc. Donc, pour venir en aide à tous ces étudiants en situation difficile, le CACSUP a initié une journée de solidarité pour soutenir ces étudiants à travers des tickets de resto, des prises en charges médicales, des dons (chaises roulantes, appareils auditifs et autres dons que nous faisons aux étudiants). Donc, la solidarité c’est quelque chose qui nous parait importante pour le développement de l’Afrique, et que nous devrions préservez et c’est ce que nous essayons de faire. Toujours dans notre plan de développement stratégique aussi, le programme africain de don de bourse que nous avons créé, on s’est rendu compte que beaucoup d’étudiants veulent faire des formations professionnelles, mais les moyens font défaut. Et pourtant, des écoles professionnelles deviennent de plus en plus nombreux au Sénégal (près de 400) et ne sont pas accessibles. Le fils du paysan ne peut pas payer cent mille francs par mois, tout comme celui qui a perdu son père ou celui qui est issu d’un milieu défavorisé. Partant de cela, on s’est dit dans notre philosophie que la formation professionnelle doit être accessible à l’ensemble des couches sociales du pays. C’est pourquoi, nous avons créé le Programme Africain de Don de Bourse d’Exonération. Ce programme consiste à donner des bourses de réduction soit de 50% ou de 100% pour les étudiants déshérités. Et nous avons à peu près une trentaine d’écoles de formation, avec lesquelles nous avons signé des conventions et des responsabilités sociétales d’entreprises. C’est-à-dire, ce sont des écoles qui font du social, mais qui ont choisi le CACSUP pour octroyer ces bourses. Ça montre quoi ? Que nous sommes crédibles. Parce qu’on peut donner entre 5 000 et 7 000 bourses d’études par an, et cela fait beaucoup d’argent d’exonération et selon nos estimations ça peut aller entre 800 millions et un milliard de franc CFA. Mais ce n’est pas de l’argent qu’on donne, ce sont des réductions, mais c’est extrêmement important pour ces nombreux étudiants qui passent par le CACSUP pour obtenir ces bourses. Et toujours en innovant nos méthodes, et puisque dans le cadre de la décentralisation, l’éducation est une compétence transférée aux collectivités locales, c’est-à-dire aux mairies. Il faut également dire que généralement ces mairies n’ont pas cette culture et très souvent pas de moyens pour aider ces étudiants qui veulent faire des formations professionnelles. C’est dans ce cadre que le CACSUP a signé une convention avec une trentaine de mairies pour leurs permettre de donner ces bourses sociales. Et là, certaines communes parviennent à mettre les moyens permettant aux étudiants d’avoir des bourses entières. C’est le cas de la plus grande ville en matière de démographie, Pikine, qui depuis trois ans, a signé avec le CACSUP une convention, grâce à laquelle nous avons octroyé 1000 bourses à la ville. Le maire pour sa part a mis une enveloppe de 500 millions sur les trois ans, permettant de couvrir l’autre moitié que l’étudiant devrait payer, et après trois ans d’exécution, le programme se déroule très bien sans oublier que la troisième vague d’étudiants recevra son diplôme cette fin d’année.

LVS : Après la formation de ces centaines d’étudiants, avez-vous un programme de suivi pour eux en matière d’emploi et d’insertion ?

Effectivement, c’est vrai, il est bien de donner des bourses, mais il y a ce qu’on appelle l’insertion des jeunes ! C’est bien d’être à la disposition des étudiants depuis plusieurs années afin qu’ils aient des diplômes, certes, certains d’entre eux ont des emplois, mais la majeure partie a beaucoup de peine à accéder au marché de l’emploi. Donc, aujourd’hui, l’un des programmes majeurs du CACSUP, c’est d’aider les étudiants à trouver un job. Voilà pourquoi, nous avons créé un projet qui s’appelle CACSUP-Emploi. Cela veut dire que nous aidons d’abord les jeunes en développement personnel, parce qu’on s’est rendu compte que beaucoup de jeune ont des problèmes dans ce domaine. Comment exprimer ses idées sans ambiguïté, comment présenter un CV, comment préparer un entretien … les jeunes ont beaucoup de difficultés dans ce domaine. Donc, dans le cadre du projet Etudiant-emploi, nous les préparons dans ce sens, nous les recevons les mercredis et les vendredis pour les lettres de stage ou d’emploi, mais aussi, nous les poussons vers l’entreprenariat. Parce que tout le monde ne peut pas travailler dans la fonction publique ou dans les sociétés privées. Aujourd’hui notre alternative, c’est comment aider ces jeunes, c’est pourquoi on a créé une cellule des étudiants entrepreneurs. Cela pour appuyer les étudiants de toutes les filières à s’unir, pour penser, réfléchir et à mûrir la création d’une entreprise en agriculture ou autre chose à l’intérieur du pays. A travers donc nos stratégies de don de bourses et autres programmes, créer sur recommandation de nos partenaires, parce qu’il faut se dire, au début on n’avait pas de partenaires; mais c’est par la crédibilité de nos plans d’action depuis presque 20 ans, que nous avons aujourd’hui beaucoup de partenaires qui sont disposés à nous accompagner dans nos projets de développement. C’est pour cela que vous remarquerez que nous sommes en partenariat avec la Banque Mondiale, la Banque Africaine de développement qui est un partenaire stratégique, l’UEMOA, la CEDEAO ainsi que plusieurs institutions internationales ; tous ces partenaires sont en train d’appuyer le CACSUP dans le cadre des projets de développement. Parce qu’on a deux rôles, coacher les étudiants, mais aussi dans tout pays où le CACSUP a ouvert une antenne, on s’est dit que nous devons participer au développement des pays par des projets. C’est pourquoi on s’est engagé à travailler avec les collectivités locales, il y a d’ailleurs un de nos articles qui stipule que : «Le CACSUP s’engage à trouver des partenaires pour la réalisation de certains projets pour les collectivités locales». Voila c’est ce que nous faisons et c’est dans ce cadre que nous avons réalisé à Kolda un poulailler pour des femmes de cette région sud qui nous avaient manifesté lors de nos deux caravanes dans cette partie, leur besoin de financement pour un projet de poulailler. On a également réalisé trois autres projets dans le sud du pays, en Casamance. Et comme vous le savez avec cette crise-là, il y’a eu beaucoup de blessés et d’handicapés dans cette région ainsi que des victimes des mines. Avec la mairie de Genève, on a eu à dérouler des programmes de formation et d’insertion des personnes handicapées. Plus de 120 handicapés ont été formés en entreprenariat et en informatique puis grâce aux partenaires, ils ont été financés et regrouper en GIE et parmi eux ; il y’a des chefs d’entreprise qui sont issus de ce programme. Pour revenir aux projets résultats, nous avons pu créer ICAGI (Institut Communautaire de Gestion et d’Ingénierie) Amadou Matar MBOW. Parce qu’on s’est dit que c’est bien de travailler avec les écoles de formation, mais le CACSUP devrait mettre une stratégie pour avoir sa propre école de formation professionnelle. Ce qui est important dans cette école est que celle-ci est communautaire, la qualité y est, elle est accessible à toutes les couches sociales qui peuvent avoir la même formation de qualité pour obtenir, une licence, un master, un doctorat ou même une certification. C’est une école dont le parrain n’est pas n’importe qui, Amadou Matar MBOW est connu sur le plan mondial, lui qui a été ancien directeur de l’UNESCO, ancien ministre de l’Education et de la Culture, sans oublier tout le rôle qu’il joue en Afrique dans le cadre du développement de l’éducation. Le CACSUP a donc jugé nécessaire que son institut porte le nom de cette figure emblématique, vivante. Ce qui est le plus grand projet que nous avons réalisé.

LVS : Dans un avenir plus ou moins proche, qu’est-ce que le CACSUP compte réaliser pour doter le continent d’une jeunesse bien formée, engagée, consciente et prête à diriger ?

 Dans un futur proche, nous avons deux grands projets pour aider les jeunes afin que le continent puisse avoir des leaders purs produits de notre système. Nous-nous sommes dits par exemple, à l’image des Européens, pour avoir des leaders, il y a des centres et des cités qui sont créés pour produire ces leaders. C’est la même mentalité que le CACSUP va créer, la Maison des Citoyens du Monde. Le projet  a été lancé au mois de mars dernier, et ce centre international sera construit à Sebikhotane sur un périmètre de dix hectares (10 ha) et qui va héberger un millier d’étudiants,  dans de très bonnes conditions pour leur permettre à leur sortie d’avoir les connaissances requises, les outils nécessaires mais aussi le savoir et le savoir-faire dont a besoin le continent aujourd’hui pour assurer son développement. Ainsi, dans ce centre international, ils seront préparés vers l’employabilité et surtout vers le leadership pour qu’à la fin de leur cycle, ils puissent assurer à nos sociétés, à nos entreprises, des leaders capables de transformer la trajectoire de l’évolution de la société et assurer le développement de nos pays et du continent. Au-delà des logements des étudiants, il y aura également des logements bien équipés pour 50 enseignants.  Cette cité internationale sera baptisé la «Maison des citoyens du monde – Mohamed Hmidouch».

LVS : Et pourquoi attribuerez-vous à ce centre international, le nom de M. Hmidouch ?

Parce qu’en fait, M. Hmidouch, quand il était encore le représentant de la Banque Africaine de Développement (BAD), il a participé au développement du pays. Le projet de l’autoroute à péage, l’aéroport international de Dias, ont été en partie financés par la BAD, c’était sous son magistère, et au niveau de la CEDEAO, M. Hmidouch a beaucoup contribué à mettre des fonds pour le développement de l’enseignement supérieur et de la formation professionnelle. Et après, son passage au niveau de la BAD, M. Hmidouch a mis en place un cabinet international, qui aide les présidents africains à avoir des fonds, à mettre sur pieds des stratégies pour consolider et renforcer leurs projets de développement. C’est pour toutes ces raisons, que le conseil d’administration du CACSUP a décidé que cette maison des citoyens du monde portera le nom de M. Hmidouch.

LVS : Et qu’en serait-il de ce Centre sous régional de qualification qui sera construit dans les jours  à venir, dans la région de Kolda ?

Nous avons décidé cela, parce que vous conviendrez avec moi qu’il est évident que tout le monde ne peut pas arriver à l’université. Donc, ce centre accueillera les élèves à mi-parcours dans leur scolarité, mais aussi ceux qui n’ont pas eu la chance de fréquenter les bancs, pour essayer de voir comment faire une approche par compétences, les pousser à apprendre et à se spécialiser dans plusieurs métiers comme la menuiserie, l’aquaculture, la pêche et bien d’autres. Ce centre sous régional va accueillir des étudiants du Mali, de la Guinée Bissau, de la Guinée Conakry et de la Gambie ainsi que de notre pays bien sûr, c’est cela qui explique d’ailleurs le choix de la région de Kolda qui est une ville frontalière de ces pays. Aussi, au-delà de l’employabilité des jeunes, ce centre permettra de régler deux problèmes majeurs pour le Sénégal et même pour ces pays que je viens de citer. D’abord, il pourra réduire très considérablement l’émigration clandestine des jeunes, car les études ont montré que beaucoup de jeunes de cette zone du pays sont très souvent tentés par cela et ce serait un facteur d’union, car il faut désamorcer le conflit qui existe en Casamance mais aussi la tension qui peut souvent exister entre les populations de ces pays. Et là, je pense que si nous parvenons à mettre un centre mixte qui peut former et résoudre les problèmes d’emploi des jeunes, cela peut régler pas mal de problèmes sociaux et améliorer les rapports entre les populations. Parce qu’aujourd’hui, qu’on le dise oui ou non, force est de reconnaître qu’il y a certains qui sont dans le (MAQUIS EN CASAMANCE) parce qu’ils n’ont pas de quoi à s’en tenir. On ne peut pas faire la paix sans pour autant préparer le retour des combattants, et ça, c’est l’Etat qui doit le faire. Mais, nous en tant que structure de la  société civile, on s’est dit qu’il est important de définir un projet permettant d’accueillir ces jeunes-là, et c’est un projet qui nous tient vraiment à cœur et ça avance bien. Nous avons d’ailleurs 10 ha à Sarambédi et à Bignanambé pour la réalisation de ce centre sous régional de qualification qui portera le nom de Moussa MOLO Baldé, (Ndlr : un ancien souverain du Fouladou – une province de Haute-Casamance dans le sud du Sénégal). Il est bien connu à Kolda pour avoir eu à contribuer très considérablement au développement de l’éducation dans cette région.

LVS : Certes CACSUP fait bien son travail depuis une vingtaine d’année, mais parlez-nous un peu de votre collaboration avec les autorités du pays, comment ça se passe ?

C’est une bonne collaboration, même si le CACSUP a été indépendant dans sa stratégie. Nous travaillons avec l’ensemble des ministères qui nous sollicitent dans leurs missions régaliennes, notamment le ministère de l’enseignement supérieur avec qui nous travaillons depuis presque 20 ans ; parce que ce que nous faisons aujourd’hui, c’est une partie de la mission du ministère de l’enseignement supérieur. Aussi, nous travaillons en synergie avec les autorités universitaires, les écoles de formation mais aussi avec Monsieur Mary Teuw Niane,  ministre de l’enseignement supérieur pour qui j’ai beaucoup d’estime. Je lui ai dit la fois dernière que le Sénégal a eu la chance d’avoir un ministre visionnaire, par rapport à la nouvelle carte universitaire. Et nous collaborons de façon à ce que la formation et l’éducation soient un levier pour le développement du pays. Nous travaillons également avec d’autres ministères comme celui de la jeunesse, celui de la santé et de l’élevage dans le cadre nos campagnes médicale et vétérinaire, le ministère de l’emploi parce que tous ces jeunes que nous formons, le principal objectif est de les amener à servir le pays. Avec les autorités, nous avons vraiment une collaboration fraternelle, tout en restant indépendants dans ce que nous faisons.

LVS : M. SARR, il est évident que le développement de nos pays et du continent passe forcément par le développement du capital humain, mais aujourd’hui quel appel spécifique lancez-vous à la jeunesse africaine et en particulier celle du Sénégal ?

Ceci me parait très important, parce qu’aujourd’hui, l’avenir du continent est entre les mains de notre jeunesse. Elle doit être consciente de son droit et de son devoir. Et nous avons un défi par rapport à l’éducation de ces jeunes, parce qu’ils sont de plus en plus attaqués par plusieurs phénomènes comme la mondialisation ; mais aussi nous avons remarqué que le niveau des étudiants baisse de jour en jour, que ce soit dans les écoles de formation ou dans les universités. Et je leur lance l’appel que voici:

D’abord, qu’ils (les jeunes) se rappellent qu’on a connu la colonisation et beaucoup de problèmes, mais qu’aujourd’hui, ils doivent être fiers de prendre leur avenir en main et dire oui [le développement est possible]! Nous-nous formons, nous-nous battrons pour réussir le développement de ce continent. Parce qu’aujourd’hui, il est de commun accord que 55 à 60% des richesses du monde sont concentrées en Afrique, mais malheureusement tous les maux sont en Afrique aussi, c’est un véritable paradoxe ! Maintenant, le défi que la jeunesse doit avoir, c’est d’abord être compétitif, parce que nous sommes dans un monde de compétition, accepter de se former et avoir des diplômes et des compétences requises pour des filières adéquates par rapport aux programmes de développement stratégique de l’Afrique car les réalités Africaines ne sont pas les mêmes que celles Européennes, et c’est à eux de se battre par rapport aux projets de développement de nos pays et du continent. Aujourd’hui par exemple on parle de PSE, quand je reçois des étudiants dans mon bureau, je leurs demande, mes chers amis, avez-vu une fois lu, le plan Sénégal Emergent ? Qui est un levier technique et non politique, qui nous permettra de dire dans 35 ans, où ira le Sénégal, quelles sont les opportunités à offrir sur le plan énergétique avec le pétrole, mais aussi l’agriculture et tout ?  Et là, l’autre défi que je les lance, c’est d’abord le choix des filières, parce qu’on s’est rendu compte dans toutes nos écoles, entre 55 et 60% de nos étudiants font le tertiaire (la banque finance, marketing … j’en passe) on ne peut pas développer un pays où tous les jeunes sont concentrés vers ça. Mais, ce qui m’étonne le plus, c’est le choix des filières après le bac, si aujourd’hui, nous orientons la majeure partie de nos étudiants dans la faculté des lettres, des cinq universités qui existent au Sénégal, ça pose un problème, ça veut dire que tout le monde sera là que pour faire de la théorie lettre moderne, Français, Italien …  Et demain la seule porte sera l’Ecole Normale, aller enseigner ! Donc ça veut dire que le choix des filières après le bac est très important. Ensuite, le développement personnel et l’on ne devrait pas avoir le complexe des toubabs, des étrangers. J’estime que la jeunesse doit être fière car nous avons des combats à mener pour libérer l’Afrique. Aussi, je suis convaincu qu’on ne peut pas  développer un continent à partir d’une langue étrangère. Pourquoi je dis cela, parce que c’est un combat du CACSUP aussi. Le Wolof, le Sérère, le Manding, le peulh … Ce sont des langues nationales que nous devons valoriser à partir de l’école  primaire jusqu’au supérieur. C’est vrai, certains sont contre parce qu’ils disent que tout le monde doit parler le Français, mais nous sommes dans un pays où ceux qui parlent le Français sont minimes, et aujourd’hui comment peut-on développer un pays où la minorité parle le Français et les autres n’y comprennent rien. C’est pour cela que nos langues nationales doivent être valorisées et mise en exergue pour pouvoir développer l’Afrique, même s’il est toujours bon de s’ouvrir à d’autres pays et d’autres civilisations.

LVS : M. SARR, notre dernière question porte sur le franc CFA, que pensez-vous de cette monnaie par rapport au développement du continent ?

Personnellement, je pense qu’il est temps de revoir ce FCFA et l’Afrique doit se battre pour avoir sa propre monnaie. Cela passera d’abord par l’instauration d’une monnaie sous régionale. Nous avons 5 grandes sous régions à savoir l’Afrique Orientale, Australe, la CEMAC, l’Afrique de l’Ouest et le Maghreb. Je crois qu’il faudra penser à voir comment ces entités peuvent se retrouver pour avoir une monnaie souveraine et par la suite une monnaie commune pour le continent. Qu’on le dise ou pas, cette monnaie n’arrange pas l’Afrique. Et dans tous les processus de développement qu’on a eu, on dit qu’elle est stable ceci ou cela, mais à mon avis, quel que soit le coût de la monnaie qu’on doit avoir, nous devons avoir notre monnaie, et tant qu’on n’a pas cela, on n’accèdera pas à cette souveraineté tant souhaitée, car comme le disait l’autre : «pour ce qui est de l’avenir, il ne s’agit pas de le prévoir, mais de le rendre possible». Voila un combat qui doit être mené par la jeunesse mais, celui-ci ne doit pas être faite d’une manière aveugle, mais plutôt réfléchie, parce qu’il y a beaucoup de gens qui s’y sont invités. En réalité, on doit le faire avec beaucoup d’intelligence. Je termine par rappeler aux jeunes encore, qu’ils se doivent de croire en eux-mêmes, aussi qu’il ne faut pas toujours s’asseoir et compter sur les ONG et l’Etat, ceci est une force que la jeunesse devra se faire. Personne ne va développer l’Afrique à notre place, et pour cela, il faut que les jeunes soient innovants, et oser entreprendre. Il y a tellement de choses à faire, si vous voyez aujourd’hui les investisseurs qui viennent dans nos pays, j’en reçois tout le temps, ce sont des gens qui savent pertinemment que l’enjeu du monde, c’est l’Afrique et aujourd’hui l’on doit se battre pour avoir les compétences nécessaires et créer les entreprises permettant de développer le continent. Toujours est-il que je suis très optimiste, car je suis de ceux qui croient en l’Afrique et le travail que nous menons depuis presque 20 ans est en train de porter ses fruits,  car de plus en plus on voit des jeunes qui ont été formés par le CACSUP et qui commencent à être des responsables dans des partis politiques, dans des organisations internationales et bien d’autres structures. Et ils vont à ces niveaux avec en tête que l’Afrique doit compter sur ses propres filles et fils pour se développer et je suis persuadé qu’il en serait ainsi, car déjà, je suis très fier de voir certains d’entre eux dans des sphères politiques, s’agités et tenir des langages différents de ceux qu’on entendait d’habitude.

 

 

                        ♦ La Rédaction – www.laviesenegalaise.com

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