Entretien Yakham M’baye avec Dakaractu sur les questions brûlantes de l’actualité nationale

Guerre au sein de l’Apr de Dakar, Communication du pouvoir, Affaires Abdoul M’baye, Nafi N’gom Keïta, Ousmane Sonko : Yakham M’baye met les pieds dans le plat

Connu comme un redoutable débatteur lorsqu’il était journaliste en exercice, Yakham Mbaye, qui s’était signalé aux commandes du défunt journal Info7, puis du Populaire, avant de créer Libération, est devenu très avare en parole, une fois entré dans le Gouvernement comme Secrétaire d’Etat à la Communication, en juillet 2014.  La preuve ? A part un entretien télévisé accordé à la SenTv, en avril dernier, c’est sa première interview depuis plus de deux années, qu’il accorde à dakaractu, qui constate avec plaisir que le journaliste devenu politique – il n’aime pas le terme politicien – n’a pas perdu de sa superbe…

Apparemment les propos que vous avez tenus, vendredi, à la Permanence nationale de votre parti, lors d’une Assemblée générale, à savoir «le Président Macky Sall n’a pas besoin de l’Apr pour gagner des élections», ont secoué le département de Dakar…

Permettez-moi d’abord de saluer les militants et responsables de la Commune de Dakar-Plateau. Car, n’oublions pas que la politique, c’est la base d’où l’on tire sa légitimité. Cependant, les politiciens de carrière ont souvent la phobie d’une force politique réelle ou en construction. Donc, je ne suis pas surpris qu’on me colle des propos malveillants, via des machinations et manipulations. Seul exercice dans lequel ces politiciens de carrière excellent.
Les propos qu’on est allé porter à deux organes de presse en me les attribuant sont un tissu de contre-vérités. A mille lieues, ça saute aux yeux que le procédé relève d’une manœuvre politicienne pour m’atteindre politiquement. Nous avons tous constaté que dans le département de Dakar, l’Apr, notre parti, souffre énormément de transparence, de vérité et de proximité des militants avec les responsables. Mon arrivée a participé d’un début de rupture par rapport à cette situation. Je fais partie des rares personnes qui participent à nos assemblées sans gardes du corps, protocole et toute la quincaillerie destinée à impressionner les militants avec qui je m’efforce de garder le contact, avant et après nos assemblées.
Au regard de ce qui précède, à la lecture de ce qui fait le quotidien des politiciens de carrière, et compte tenu de la position d’aspirant au consensus que j’ai adoptée dans ma Commune, il est aisé de comprendre pourquoi j’ai été la cible de ces tentatives malveillantes, qui ont fait suite à la rencontre tenue, vendredi dernier, lors de laquelle j’ai participé, avec d’autres camarades, au déclenchement – et je pèse mes mots – d’un processus, qui a fait paniquer certains.

Donc, ces propos que l’on vous attribue ont été inventés ?

Mes propos ont été tronqués et falsifiés, naturellement dans le but de leur donner une charge absolument négative, ensuite rapportés à deux journalistes, qui évidemment ont «oublié» de m’appeler pour vérifier est-ce qu’ils sont miens. Je souligne le terme «oublié», car c’est exactement ce que l’un d’eux m’a dit, avant de s’excuser. Des excuses que j’ai acceptées.
Maintenant, permettez-moi de restituer mes propos dans leur exactitude, lorsque je me suis adressé aux camarades du département de Dakar, et non à toute l’Apr : «Nous sommes tous conscients que l’Apr, même débarrassée de toutes ses divisions, ne peut faire triompher seule le Président Macky Sall. Donc, à dix mois des Législatives, au regard de toutes ces divisions qui minent nos bases, dans les Communes du département de Dakar, on peut imaginer ce qui nous guette… L’Apr seule ne peut nous faire triompher, mais elle peut et doit déclencher la fédération des forces devant nous conduire à la victoire. Elle ne pourra y parvenir qu’à une seule et unique condition : refaire son unité à la base.
Donc, camarades, je vous dis que la recommandation que ne cesse d’exprimer le Président Macky Sall est que nous retournions dans nos bases pour, d’abord refaire l’unité, rendre le parti attrayant, l’ouvrir à toutes les entités de la société susceptibles de massifier notre potentiel électoral. En ce qui nous concerne, à Dakar-Plateau, nous avons commencé à concrétiser les recommandations du Président. Et j’ai bon espoir que sous peu, toutes les tendances vont se retrouver pour former un seul et unique bloc».
Voilà ce que j’ai dit à près à deux cents camarades qui m’ont écouté avec une grande attention. Et j’ose croire, au regard de leurs réactions, qu’ils m’ont bien entendu.

Mais, il nous revient que vous avez dit autre chose…

C’est vrai ! Dans le deuxième et dernier volet de mon intervention, j’ai interpellé directement ceux qui veulent prendre en otage l’Apr dans tout le département de Dakar, avec un procédé simple : dans chaque Commune, tous ceux qui n’adhèrent pas à leur démarche sont farouchement combattus avec des moyens qui révulsent des pans entiers de militants. La conséquence, c’est que dans une quinzaine de Communes, c’est la zizanie.
Et plus grave, comme la circulation de l’information, entre le sommet et les bases, prend souvent un sens unique parsemé de haltes et de zones de filtrage, pour dire le moins, ils intoxiquent les bases du parti pour imposer leur diktat. Par exemple, en faisant croire que le fumeux concept de «patron de Dakar» aurait été décrété par le Président Macky Sall, lors d’une réunion du Secrétariat exécutif national. Contre-vérité n’a jamais été aussi grande, et je défie quiconque de prouver le contraire.
Seulement, après avoir installé la discorde dans nombre de bases où les responsables ont refusé d’avoir un «patron», parce qu’ils ne reconnaissent que leur leader naturel, le fondateur de l’Apr, et pour vaincre d’autres résistances, ils ont véhiculé, depuis l’année dernière, cette fausse information. Et depuis des mois, je n’ai cessé de le faire savoir à tous, responsables et militants.
Maintenant, en dépit du fait que le Président a clarifié la situation dernièrement au Grand Théâtre, en demandant aux responsables de Dakar, je le cite, «de taire (leurs) querelles, de former une équipe et de jouer collectif», ceux qui ont pris en otage le département n’ont pas désarmé. Pour preuve, ils ont voulu, lors de la rencontre de vendredi dernier, ressusciter le procédé qui leur avait permis de nous paralyser. Sauf que cette fois-ci la donne avait changé.

Qu’est-ce qui a changé ?

Il y a une nouvelle dynamique dont ils ignorent la configuration – ça les agace et les perturbe –, qui s’opposera par tous les moyens nécessaires et légaux à leur projet. Et comme il ne s’agit pas de combattre en cagoulard, je les ai regardés droit dans les yeux pour leur dire : «Il y a une nouvelle dynamique dont la seule et unique préoccupation est le triomphe du Président et de l’Apr comprise dans sa diversité, et je suis de cette dynamique».
Maintenant, sauf à être aveuglés par une ambition dont il n’ont pas les moyens, ce qui est pire qu’un crime, relevait Napoléon, les tenants du concept de «patron de Dakar» doivent pouvoir prendre la mesure de la situation : vendredi, sur plus d’une vingtaine d’orateurs, seuls cinq camarades ont défendu, avec beaucoup de peine, ce fumeux concept de «patron de Dakar».
Il est dommage que des responsables politiques qui prétendent avoir une dimension départementale, voire régionale – et peut-être nationale, demain, car l’appétit vient en mangeant, surtout en politique –, soient incapables de décoder le message du Président au Grand Théâtre. Et là, nous sommes tous interpellés !

D’aucuns disent que c’est une dynamique qui veut déshabiller Abdoulaye Diouf Sarr pour habiller Amadou Bâ…

Que peut-on attendre de gens qui pensent et agissent de manière servile ? Ils appréhendent les faits et gestes des autres sous cet angle. Seulement, qu’il s’appelle Abdoulaye, Amadou, Yakham, Seydou etc., je vous le dis ici et maintenant, et sur l’honneur : les femmes et hommes de cette dynamique sont résolus à s’opposer à tout projet personnel et agendas cachés, parce que déterminés à faire triompher la vision du Président Macky Sall. Et elle est simple et porteuse de lendemains qui chantent pour l’Apr : d’abord, que cesse le nomadisme de ces responsables qui se pavanent tels des paons dans les Communes pour diviser, avec un faux discours attribué au Président ; ensuite que les responsables se sédentarisent au niveau des bases pour consolider le parti avec les militants et l’ouvrir aux autres ; enfin, qu’on se retrouve dans un cadre départemental entre responsables d’égale dignité pour former une équipe qui jouera collectif. Ce n’est pas un schéma idéaliste, car dans la configuration actuelle de l’Apr du département de Dakar, c’est possible et faisable.

Donc, vous n’avez aucune ambition personnelle et ne portez pas le projet d’un embusqué ?

D’une part, Wolof Ndiaye dit : «Bala nga ni naam, neek fa». En d’autres termes, je ne crois pas souffrir d’une tare : la prétention. Et plus explicitement, je n’en suis pas à bomber le torse, car croyant avoir totalement réussi la charge assignée par le Président dans la Commune de Dakar-Plateau : réunifier le parti et le mettre en ordre de combat. Ce combat pour voir fonctionner autrement l’Apr dans le département de Dakar, nous l’avons engagé depuis l’année dernière, alors que Dakar-Plateau était loin d’être stabilisée. C’est seulement avant-hier, lors d’une Assemblée générale, que la totalité des tendances dans la Commune amenées par près de cinquante Présidents de Comités, se sont réunies pour entamer l’élaboration d’une feuille de route commune, qui pourrait nous mener, avec l’aide de Dieu et les contributions sincères des camarades de divers horizons, vers un objectif commun. Cet immense travail ne porte pas ma seule signature. Et je peux vous assurer que dans les prochains jours, c’est une autre version de l’Apr que vous verrez à l’œuvre dans Dakar-Plateau. Je n’en dirai pas plus !
D’autre part, dans ce parti, dans cette majorité présidentielle, je n’ai qu’un patron, et un vrai, ainsi que la totalité des membres de notre dynamique : le Président Macky Sall auprès duquel je me suis investi depuis de très longues années et qui m’a fait l’honneur et le privilège de m’associer à la presque totalité des combats qu’il a menés. Ça me suffit amplement. Je n’ai de rapport de sujétion avec personne. Et ce n’est pas manquer de modestie de dire que le tracé de ma vie m’autorise à soutenir pareil argumentaire.
Pour la suite, étant entendu, d’une part que «verba volant, scripta manent» (les paroles s’envolent, les écrits restent), et d’autre part que la sauvegarde de mon honneur, qui passe par la préservation de mes engagements cimente l’éducation que j’ai reçue, je m’engage publiquement à dire que personne ne me retrouvera dans ce schéma que vous évoquez. Les embusqués, je préfère les débusquer et non travailler pour leur compte. A l’Apr, la majorité en a marre des embusqués et des agendas cachés !

Vous ne craignez pas un affrontement entre cette nouvelle dynamique et ceux qui revendiquent le leadership du département de Dakar ?

Nous voulons travailler à parfaire l’unité de l’Apr dans nos bases, de manière sereine, sans que personne ne quitte sa Commune pour aller s’immiscer dans les affaires d’une autre Commune, dans le but d’y imposer son leadership. Parallèlement à ce travail, nous pouvons appeler à une convergence au niveau départemental pour élaborer le mécanisme d’un jeu collectif, dans une organisation collégiale. Mais, c’est ça le vœu du Président. Qui s’attaquera à ce projet, défiera le Président !

A vous entendre parler, vous n’êtes pas loin de dire que tout ce qui a été fait jusqu’ici n’est pas bon, il faut une révolution.

Personne n’ose soutenir pareille assertion. Une bonne direction avait été prise, au départ, avant d’être malheureusement dévoyée par la charge des ambitions personnelles, la vassalisation, la neutralisation, la supplantation et l’auto-promotion. Une seule constatation illustre la profondeur du mal : ce lundi, nous sommes arrivés au délai fixé par une circulaire du parti pour déposer les dossiers de candidatures à l’élection pour le Haut Conseil des Collectivités Territoriales, et pas une seule réunion au niveau départemental n’a été organisée. Je dis pas une seule.
En lieu et place, samedi dernier, on procède à l’organisation d’une rencontre appelée pompeusement Assemblée générale départementale, avec des convocations triées sur le volet : tous les responsables estampillés «rebelles» et «anti-patron de Dakar» – je figure bien évidemment dans le lot –, n’ont pas été convoqués. Mais, nombre d’entre eux sont venus, pour s’entendre proposer un ordre du jour déjà concocté l’avant-veille et dont le point phare était : la reprise des tournées dans les Communes. Eh bien ! La manœuvre n’a pas prospéré. Comme je l’ai dit plus haut, les intervenants, dans leur écrasante majorité, ont dit : «Ce système, nous n’en voulons plus».
Alors, constatant leur échec, ils ont fourbu une arme de leur arsenal : porter le combat dans la presse en tentant de me coller des propos insultants à l’endroit de tous ces vaillants militants et responsables de l’Apr qui ont sué sang et eaux pour faire triompher les idéaux de notre parti et de notre Président. C’est peine perdue, car ça ne m’ébranle pas. Au contraire, ça me conforte dans l’idée selon laquelle je suis un des os qui gâchent la noce.
Ils sont légion à pouvoir témoigner que je n’ai cessé depuis plus d’une année de tirer la sonnette d’alarme, à chacune de nos assemblées dans le département de Dakar. D’interpeller individuellement les tenants de ce concept de «patron de Dakar». Mais, je suis loin d’être un pionnier dans cette dynamique. Beaucoup d’autres vaillants responsables et camarades m’ont précédé dans ce sillage. Tous ont subi de méchantes attaques commanditées. Certains dont d’éminentes figures du parti, ont baissé pavillon, se sont éclipsés pour aller se cantonner dans leurs bases. D’autres, peu nombreux, sont restés pour résister. Maintenant, il a fallu un peu de méthode, une fine connaissance du parti, du courage et de la conviction pour rallumer la flamme.

Pour finir, une question que tout le monde se pose : pourquoi Yakham Mbaye, connu comme un bretteur, est devenu presque aphone, une fois devenu ministre ? On ne vous a pas entendu dans les affaires Abdoul Mbaye, Nafi Ngom Keïta, Ousmane Sonko…

Je suis Ministre Secrétaire d’Etat à la Communication, donc un élément dans un dispositif au niveau de l’Exécutif, qui comprend, entre autres, le Ministre de la Culture et de la Communication, Mbagnick Ndiaye, deux autres communicants dotés d’une réelle carrure : les Ministres Seydou Guèye, Porte-parole du Gouvernement, et El Hadji Kassé, Coordinateur du Pôle Communication de la Présidence de la République. Même si aucune œuvre humaine n’est parfaite, nous sommes tout de même parvenus à une sorte de symbiose. Et chacun fait son travail convenablement avant qu’on ne se retrouve, très fréquemment, pour orchestrer le tout. Dieu merci, nous avons connus des avancées notoires dans l’exercice qui a consisté à exorciser certains démons qui plombaient souvent la communication de l’Exécutif. Nous ne sommes pas obnubilés par l’envie de paraître. L’essentiel revient à participer à l’œuvre commune et non d’être l’acteur principal de la mise en œuvre. S’y ajoute que communiquer, ce n’est pas la prise de parole intempestive, pour ne pas dire le bavardage.
A l’école du Président Macky Sall, j’ai tâché de faire miennes certaines de ses vertus dont la moindre n’est pas de savoir se taire, agir de manière efficiente en mettant en arrière sa propre personne. En somme, le plus important, et le Président Macky Sall nous l’apprend tous les jours, est dans le mot de Jean Abraham : «La communication consiste à comprendre celui qui écoute».
Et ce propos me permet d’aborder les dossiers que vous citez en vous disant ceci : ils n’ont pas lu Jean Abraham et donc n’ont pas compris ceux qui les écoutent. Autrement, ils auraient su que les Sénégalais n’aiment pas les délateurs, encore moins la catégorie d’entre eux qui s’adonnent à cet exercice parce qu’ils ont perdu des positions de pouvoir ou n’ont pas vu se concrétiser des positions de pouvoir à eux promis.
Un présumé escroc doublé d’un apprenti faussaire pris en flagrant délit de tripatouillage d’un acte d’état-civil, qui ose maintenant insulter l’intelligence des Sénégalais en postulant à l’emploi de Gardien de leur Constitution, n’en parlons pas. Mais au Sénégal, ces dernières années, on s’est habitué à voir des gens être pris en flagrant délit en train de voler un veau, qui se pointent quelques temps après pour postuler à traire la vache…
Ceux-là que vous nommez, doivent remercier le Président Macky Sall, qui se refuse à la logique du déballage, et surtout nous l’interdit, sinon ces Tartuffe seraient tous traînés devant ce «Tribunal de l’Ethique» qu’ils théorisent, pour en sortir pieds et poings liés.
Pour finir avec ces personnages, je peux affirmer, sans risquer de me tromper, que s’il leur était permis de se reconvertir dans la médecine, vous ne verrez pas les Sénégalais, qui sont attachés aux serments, les solliciter pour guérir ou apaiser leurs maux.
A l’opposé, le Président Macky Sall a administré une belle leçon à tous : ministre de l’Intérieur, Premier Ministre, Président de l’Assemblée nationale, avant d’être injustement combattu et voué aux gémonies, il a défendu et préservé son honneur, porté et fait triompher un combat républicain, sans une seule fois penser, tout au long de cette épreuve, étaler sur la place publique les secrets qu’il détient, pour triompher de ses adversaires. Parce que tout simplement, comme il aime à nous le dire, il est «un adepte de l’Etat»…


Dakaractu

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