Dialogue politique : « No stress ! » Par Samboudian KAMARA

La compétition mondiale est implacable. Les faibles sont écrasés et les forts entendent le rester. Les Etats font face à des recompositions géopolitiques insoupçonnées. Et le Sénégal dans ce concert des Nations ? Les modèles qui s’annoncent dans un futur proche ne laissent nulle place à l’immobilisme, au pilotage à vue dans la gouvernance ; il nous faut donc bouger, innover, maximiser les potentiels, encourager l’initiative privée, attirer les investissements innovants, et gérer avec parcimonie nos faibles ressources.

La stabilité politique sont des préalables à  l’exploitation heureuse du legs de ce pays, jeune, présent sur la scène diplomatique plus que ne l’autorisent ses poids démographie, économique et territorial. Voici, en résumé, le cadre dans lequel s’expriment « les politiques » dans le Sénégal de 2016, un Sénégal centré autour d’un leadership qui incarne celui de l’Emergence. Les succès futurs cohabitent mal avec une ambiance au couteau, où les oppositions sont d’abord personnelles avant d’être programmatiques.

La proposition présidentielle de booster le dialogue entre lui et son opposition a rompu le ronronnement tranquille des partis politiques. On s’était assoupi, les uns affichant leurs lauriers issus du référendum, les autres cherchant à s’extirperdes cactus où les ont installés les électeurs, une tendance lourde depuis la victoire du président de la République en 2012. Sur fond de fait-divers politico-judiciaires, il a donc appelé au « dialogue politique », sonnant la fin de la mise en veille. Comme lors de la campagne pour le référendum, des amalgames naissent, sont entretenues, et finissent, comme leurs précédents, à polluer l’esprit de l’entreprise.

Dans une démocratie comme la nôtre, le président de la République est « le maître du jeu », ainsi que l’avait dit le président Abdou Diouf, un jour alors qu’il était aux affaires. Le chef de l’Etat ne se trouve pas en situation de demandeur. Il propose et a la haute main sur le calendrier. L’essentiel est que son initiative vise à fédérer autour de l’essentiel, alors que l’accessoire est la question de savoir qui en tirera profit.

La majorité est forte, réunie autour de lui, soutenant le gouvernement à l’Assemblée nationale et déroulant un programme validé par quatre scrutins (présidentielle, législatives, locales et référendum). Aucune crise ne fragilise les institutions, pas une seule exception à la norme républicaine, les frontières sont délimitées entre pouvoir et opposition : « no stress », pour parler tendance.

Mais qu’attendent les Sénégalais, eux, les détenteurs des suffrages et de la souveraineté ? En appelant au dialogue, le président de la République, après le vocabulaire de la « décrispation » et du « dégel » propose une entrée dans la modernité, au sens où les communautés doivent savoir aller au-delà des acquis. La « banalisation » des alternances et la bonne compréhension des règles du jeu font que le débat doit être rehaussé. Les échanges doivent à la hauteur du standing. D’autant que les chantiers sont nombreux, les demandes sociales fortes et les réformes difficiles.

Naturellement, et heureusement-, un éventuel unanimisme de la classe politique tiendrait du virtuel. Mais les organisations sont-elles en état de poser des « conditions » pour lancer des concertations durables ? La formation tête de file de l’opposition, le Pds, se dégarnit de jour en jour, mais ces départs n’ont pas freiné l’avis favorable au dialogue émis depuis Versailles par le président Wade et des voix autorisées de son entourage.

Les Sénégalais attendent de leur classe politique (ces organisations qui concourent aux suffrages et aux affaires) qu’elle développe des forces de proposition à même de les mobiliser, à même de profiter des opportunités d’un monde. Pour éduquer une jeunesse qui ne demande qu’à ce qu’on lui balise la voie, accroître la qualité des services publics, accélérer l’ascenseur social en soutenant le mérite et la performance.

Le manichéisme du « Pour » et « Contre » a son moment. C’est celui des élections. En appelant au dialogue, le président de la République invite la classe politique à un sursaut. Electoraliste à souhait, cette dernière ne trouve pas les moyens de débattre des questions de fond, qui ne sont pas seulement économiques. Ce ne sera pas facile. Au moment où l’Etat lance le programme des infrastructures de deuxième génération à Diamniadio, d’autres proposent l’instauration d’un conseil suprême de la République. C’est bien dit.  L’autoroute à péage s’accommode mal de calèches !

Samboudian KAMARA – Journaliste au Quotidien Le Soleil

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