La Déclaration du Ministre Mankeur Ndiaye au débat public du Conseil de sécurité

 Monsieur le Président,

Monsieur le Secrétaire Général,

Mesdames et Messieurs les Ministres, chers collègues,

 Mankeur Ndiaye

Je tiens, tout d’abord, à vous féliciter personnellement, Monsieur le Président, ainsi que la République Française, pour la Présidence mensuelle du Conseil de Sécurité et l’organisation de ce débat.

La France, nous le redisons, a toujours été engagée à nos côtés, dans la recherche, la construction et la consolidation de la paix en Afrique. Sans elle, des pays entiers seraient aujourd’hui dans des situations beaucoup plus difficiles. Je pense notamment au Mali et à la République centrafricaine dont je salue la présence, ici, du Président, S.E.M. Faustin-Archange TOUADERA.

Je voudrais, ensuite, vous dire tout le plaisir que j’ai à prendre part aujourd’hui à cette rencontre qui porte sur la protection des civils dans les opérations de maintien de la paix (OMP). Une thématique à la fois importante et actuelle qui nous réunit moins d’un mois après le Sommet humanitaire mondial d’Istanbul.

Qu’il me soit aussi permis de remercier et de féliciter le Secrétaire Général des Nations Unies, Monsieur Ban KI MOON, pour son importante déclaration ainsi que Monsieur Peter MAURER, Président du CICR pour son excellent briefing.

Monsieur le Président,

 

Tenir une réunion ministérielle du Conseil de Sécurité sur la protection des civils dans les OMP, nous donne l’occasion de passer en revue les actions accomplies dans ce domaine et surtout d’approfondir notre réflexion sur les défis qui interpellent les Nations Unies, en général, et le Conseil de Sécurité, en particulier, dans le cadre de la mise en œuvre des mandats liés à ces opérations.

Nous le constatons tous, dans les différents foyers de conflits à travers le monde mais plus encore en Afrique, les conflits armés ont toujours été caractérisés par l’usage sans discrimination de la violence et par le nombre élevé de victimes civiles parmi lesquelles figurent, malheureusement, en majorité, des enfants et des femmes.

Le sombre tableau dressé par le Rapport du Secrétaire Général des Nations Unies (S/2015/453) sur la protection des civils dans les conflits armés, ainsi que les désastres humanitaires actuels, nous édifient sur une réalité qu’il est utile de répéter : la majorité des victimes des conflits armés sont des civils.

 

Monsieur le Président,

Permettez-moi de réitérer l’intérêt particulier que le Sénégal accorde à la protection des civils, en l’occurrence dans le cadre des OMP.

 L’engagement de mon pays en faveur des OMP est intrinsèquement lié à la protection des civils et renforcé par le fait qu’il est partie aux instruments internationaux du droit international humanitaire, entre autres, des Conventions de Genève de 1949 et de ses Protocoles ou des textes multilatéraux relatifs aux droits de l’homme, sans omettre le dispositif juridique africain, notamment la Convention de l’OUA de 1969 régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique.

Le souci de la protection des civils demeure toujours un axe majeur dans l’implication du Sénégal dans les OMP.

Aussi me plait-il de rappeler que mon pays a signé les Principes de Kigali et pris, depuis longtemps, un ensemble de dispositions dans le cadre de la protection des civils.

A cet égard, les Forces armées sénégalaises, en particulier les contingents en préparation pour des missions de maintien de la paix, bénéficient d’une formation initiale et d’une formation continue au droit des conflits armés, pour mieux les familiariser avec le droit international humanitaire et les droits de l’homme, afin qu’elles respectent les obligations qui en découlent.

En disant cela, j’ai à l’esprit, l’exemple valeureux que constitue le capitaine sénégalais feu Mbaye DIAGNE qui a sacrifié sa vie pour sauver celle de civils lors du génocide au Rwanda. Il est louable que le Conseil de Sécurité, par sa résolution 2154, ait inscrit dans les glorieuses pages de son histoire sa mémoire en instituant, le 08 mai 2014, « la médaille capitaine Mbaye DIAGNE pour acte de bravoure exceptionnelle » ; ceci pour honorer les militaires, les membres de la police et du personnel civil des Nations Unies et du personnel associé ayant bravé des dangers extrêmes au service de l’humanité et de l’ONU.

Par ailleurs, il convient de souligner la nécessité de nous mobiliser davantage en faveur de la protection des civils en période de conflits armés. Il est vrai que les Etats ont la responsabilité première d’assurer une telle protection, mais il est tout aussi vrai que l’ONU, à travers notamment le Conseil de Sécurité, a un rôle essentiel à jouer à ce niveau. Pour ce faire, il importe de renforcer, sous toutes ses formes, la culture de la prévention des violations du droit international humanitaire et des droits de l’homme et de lutter contre l’impunité de leurs auteurs quels qu’ils soient.

Monsieur le Président,

La conviction forte du Sénégal est que les avancées des opérations de maintien de la paix (OMP) dans la protection des civils doivent être appréhendées à l’aune de l’évolution des menaces actuelles à la paix et à la sécurité internationales qui ont pour noms terrorisme et extrémisme violent et qui nous imposent de profondes mutations pour y remédier.

En effet, en plus du maintien de la paix et de la sécurité, les missions englobent aujourd’hui de nombreux volets, tels que l’assistance économique et humanitaire, la protection des droits de l’homme, l’aide aux personnes déplacées internes et aux réfugiés, l’implication dans les processus politiques, la réforme des systèmes judiciaires, la formation des forces de police, le désarmement, la démobilisation et la réinsertion des anciens combattants, le déminage, la consolidation de la paix, j’en passe.

La composante police dans les OMP, qui avait initialement pour but de surveiller, d’observer et de faire un rapport, est appelée aujourd’hui à jouer un rôle plus important dans la mise en œuvre des nouveaux mandats des Missions de maintien de la Paix prescrits par le Conseil de Sécurité.

Les missions actuelles dépassent ainsi le strict cadre sécuritaire du maintien de la paix et muent vers la consolidation de la paix et la protection des civils, ce qui nécessite une synergie renforcée entre les composantes militaire, police et civile.  Il nous faut davantage élaborer à ce propos.

A ce stade, je voudrais aborder le processus de réforme nécessaire des OMP pour dire ceci : il nous faut continuer ce processus, j’allais même dire l’accélérer pour mieux adapter les OMP aux besoins et défis pressants, actuels et futurs.

 Les recommandations faites par les éminentes personnalités dans leurs différents rapports, ainsi que celles adoptées par l’Assemblée Générale de l’ONU contiennent des mesures ambitieuses. Qu’il s’agisse de la modernisation des équipements des troupes ou du relèvement du soutien financier des opérations.

La mise en œuvre effective de ces mesures devrait valablement faire franchir aux OMP une nouvelle étape dans le bon accomplissement de leurs missions, grâce au dialogue permanent, y compris dans la définition et le contenu des mandats, entre les différentes parties prenantes, je veux nommer les pays contributeurs de troupes, comme les nôtres, les pays contributeurs de fonds et les Nations Unies.

Le Sénégal s’honore d’être le septième pays contributeur de troupes et de police dans le monde, troisième en Afrique et premier en Afrique de l’ouest, avec environ 3769 hommes et femmes engagés dans sept opérations de paix. Mon pays est aussi le premier contributeur mondial en ce qui concerne les forces de police.

L’expérience aura en tout cas montré que, pour être efficaces, les OMP doivent non seulement s’appuyer sur des mandats clairs, mais aussi être pourvues en ressources financières et en équipements suffisants.

Pour le cas du Mali, nous sommes d’avis, comme du reste tous les Etats-membres de la CEDEAO réunis en Sommet à Dakar le 04 juin 2016 que le mandat de la MINUSMA doit être plus robuste, avec des équipements adaptés au contexte de menaces et d’attaques terroristes meurtrières presqu’au quotidien contre les troupes ainsi que des moyens renforcés en logistique et en troupes.

Monsieur le Président,

Je voudrais souligner l’importance d’une coopération renforcée entre les Nations Unies et les organisations régionales et sous-régionales comme l’Union africaine et la CEDEAO dans le cadre du chapitre 8 de la charte des Nations Unies consacré aux Accords régionaux. Cette coopération mérite d’être renforcée et intensifiée dans le sens d’un plus grand soutien aux communautés économiques régionales.

Dans le même ordre d’idées, je voudrais plaider en faveur d’un plus grand soutien de la communauté internationale à l’Architecture de Paix et de Sécurité en Afrique (APSA) pour une meilleure prise en mains par les africains des conflits qui sévissent en Afrique.

Monsieur le Président,

A l’appui notamment de ses Résolutions 1265 (1999) et 1894 (2009) à travers lesquelles, respectivement, il a posé un acte majeur dans la protection des civils et affiché sa détermination à traiter des situations dans lesquelles des violations graves du droit international humanitaire et des droits de l’homme sont commises, le Conseil de Sécurité gagnerait, face aux défis de l’heure, à faire plus dans ces domaines. Dans le même esprit, il faudrait toujours prendre en compte la résolution 1325 (2000) sur Femmes-Paix-Sécurité et l’implication des femmes dans la prévention, la gestion et le règlement des conflits. De même, il importe de mettre en œuvre la Résolution 2282 sur la consolidation de la paix après les conflits du 27 avril 2016 du Conseil de Sécurité.

Un mois plus tôt, notre Conseil adoptait, le 11 mars dernier, la résolution 2272 dont l’ambition est de prévenir les abus et exploitations sexuels.

A ce sujet, il convient de noter que Son Excellence Monsieur Macky SALL, Président de la République du Sénégal, est co-parrain de la Campagne internationale contre les violences sexuelles en temps de conflit.

Monsieur le Président,

Le Sénégal, dans le cadre de sa présidence du Groupe de travail du Conseil de sécurité sur les Opérations de maintien de la paix a déjà engagé la réflexion sur deux problématiques hautement importantes, à savoir l’utilisation de la technologie dans les opérations de maintien de la paix et la coopération entre l’ONU et les organisations régionales, en particulier l’Union africaine.

Il est également envisagé, dans ce cadre, de tenir une discussion thématique sur la protection des civils en mettant l’accent sur le renforcement des liens avec les stratégies politiques.

Par ailleurs, le Sénégal suggère fortement de réfléchir sur la durée de séjour des contingents qui met parfois les hommes et les femmes en opérations dans des situations difficiles à supporter. Il faudrait, pensons-nous, que les relèves des contingents soient davantage rapprochées.

Pour terminer, je tiens encore, Monsieur le Président, cher Jean Marc, à vous renouveler, à vous et à la France, nos chaleureuses félicitations pour l’initiative de ce débat ministériel important. Par ma voix, le Sénégal redit son engagement à continuer à contribuer à la protection des civils dans les opérations de maintien de la paix dans le monde, avec l’espoir que ces opérations seront dotées de moyens adéquats et adaptés, ainsi que de mandats suffisamment clairs et robustes, au besoin, à l’exécution de leurs tâches devenues de plus en plus complexes et dangereuses.

Je vous remercie de votre attention.

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