Contribution : L’expérience de la méthode Fast-Tract dans l’Education nationale au Sénégal (Par Kalidou Diallo)

J’ai eu l’honneur, en tant que Ministre de l’Education nationale  chargé de l’enseignement préscolaire, de l’élémentaire, du moyen secondaire et des langues nationales de conduire le premier programme Fast-Tract au Sénégal (2009-2012) et d’être nominé, le 20 mai 2010,  Champion UNGEI (Initiative des nations unies pour la scolarisation des filles).  En tant qu’acteur dans la mise en œuvre de ce programme, je pense pouvoir aider à mieux comprendre la méthode Fast-Tract lancée par le président Macky SALL à l’occasion de sa prestation de serment le 2 avril 2019 au Centre des expositions du pôle urbain de Diamniadio. Il faut partir du  Forum mondial sur l’éducation tenu à Dakar en avril 2000 avec ses 1100 participants qui  ont réaffirmé leur engagement de parvenir à l’Éducation pour tous en 2015. L’Assemblée du Millénaire des Nations Unies portant sur les OMD a eu lieu à New York du 6 au 8 septembre 2000 et pour permettre la scolarisation universelle dans les pays en   développement l’Initiative Fast-Tract (IFT) a été lancée, sous forme d’un partenariat mondial entre la communauté des bailleurs de fonds, la société civile et ces pays à faibles revenus, en 2002.  Ce qui s’est traduit par la mise en place d’un fonds dont l’objectif est d’apporter un appui financier aux pays qui éprouveraient des difficultés pour l’atteinte des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) dans le domaine de l’éducation. C’est encore  le seul fonds destiné exclusivement au financement de l’éducation par des dons et aides.Kalidou Diallo

L’Initiative Spéciale des Nations Unies pour l’Afrique s’inscrit aussi dans ce cadre. Le  gouvernement du Sénégal s’était déjà engagé au niveau national, à travers le Programme Décennal de l’Education et de la Formation (PDEF), à atteindre ces objectifs en 2015 avec l’appui de nombreux partenaires techniques et financiers (PTF) parmi lesquels on pouvait  citer à l’époque : la Banque mondiale, l’ACDI, la Coopération française, la JICA, le PNUD, l’UNICEF, l’USAID, la BAD, la BID, le fonds de l’OPEP, l’UNESCO. Le Sénégal a été, en 2006, le 13e pays africain à adhérer  l’Initiative de mise en œuvre accélérée de l’Education pour Tous  Initiative Fast-Tract dite EFA-FTI. Elle se compose de deux fonds  fiduciaires distincts. La première catégorie concerne le Fonds de Développement de Programmes d’Education (FDPE) qui concerne les pays en développement dépourvus de plans éducatifs et les capacités sont trop faibles pour même en  établir un. Le PDPE assure donc un soutien technique et de renforcement de capacité, généralement dans des pays en conflit ou frappés d’une grise profonde  L’autre est le fonds catalytique qui  soutient  les pays à faible revenu  mais qui dispose de plans éducatifs approuvés et d’un soutien limité des partenaires techniques et financiers dans le secteur de l’éducation. L’aide venant de ces deux fonds prend toujours la forme de dons à décaissement rapide.

De 2003, date de la première alimentation du fonds  à 2011,  le Fast-Tract a contribué à la scolarisation de 19 millions d’enfants supplémentaires et a permis de financer la construction de plus de 30 000 salles de classe, ainsi que la formation de plus de 337 000 enseignants dans le monde. Grace à ce  Partenariat Mondial pour l’Education (PME) (nouvelle dénomination de l’IFT en novembre 2011 à Copenhague au Danemark où j’ai représenté le Groupe  l’Afrique2,  en tant que membre du Conseil d’Administration), 68 % des filles vivant dans les pays membres ont achevé le cycle primaire et 18 pays partenaires ont enregistré un taux de scolarisation des filles égal à celui des garçons, voire supérieur comme au Sénégal (1,11% en 2010)

En dépit des importants progrès enregistrés, 67 millions d’enfants n’étaient toujours pas scolarisés. Près de la moitié d’entre eux vivaient dans des pays fragiles et touchés par des conflits.

Le Sénégal a obtenu un premier  financement de fonds catalytique,  Fast-Tract de 81,5 millions  de dollars US ; soit l’équivalent à l’époque, de 34, 882 milliards de Francs CFA

La demande de prêt date de  2007 mais elle est  approuvée en 2008,  l’accord de crédit  signé le 29 juillet 2009. Il est  entré en vigueur le 24 septembre 2009 et  l’échéance  de clôture prévue le 31/122012. Ce programme financé par la communauté des bailleurs de fonds est géré par la Banque Mondiale. Il porte sur la construction 150 nouvelles écoles, 3960  salles de classe destinées à l’augmentation de la capacité d’accueil et au remplacement des abris provisoires, 814 points d’eau, 814 blocs d’hygiène et 500 blocs administratifs dans les écoles élémentaires. L’exécution est confiée à l’AGETIP, le  Maitre d’ouvrage. Le ministère l’éducation du Sénégal a été chargé au nom de gouvernement de mettre en œuvre le programme et de terminer le tout à date échue au risque  de perdre la deuxième tranche du financement. Le décaissement, après avis de non objection de la Banque mondiale qui évalue les performances, se faisait par étape et  sur la base de l’avancement des chantiers.

En 2012, non seulement, tout le programme a été  exécuté mais  25 nouveaux  établissements d’enseignement  moyen et secondaire (CEM et Lycée) sont  financés à partir des économies de plus de trois milliards, réalisées sur ce financement Fast-Tract de 2009 , alors que le programme de départ ne concernait que l’enseignement primaire !. Ces nouveaux établissements sont ainsi répartis : Dakar (02), Diourbel (03), Fatick (04), Matam (04), Saint-Louis (04), Tambacounda (03), Kédougou (01), Thiès (04).

Le processus de passation des  marchés pour les travaux fut bouclé en un temps record, les attributions provisoires soumises à la DCMP pour avis très rapidement faites ainsi qu’une mission de reconnaissance des sites. Ce qui  a permis d’identifier et de vérifier les caractéristiques dimensionnelles, physiques et géotechniques des terrains ainsi que leur statut foncier. A l’exception du site  qui devait abriter le lycée de Pikine, pour tous les autres collèges programmés, des sites appropriés ont été trouvés, fait l’objet de délimitation par les services régionaux du cadastre. La livraison des ouvrages était prévue en octobre 2012 avec le gouvernement de la 2ème alternance. Le  coût global de ce projet étant de 3. 112 528 828 de FCFA, représentant des économies sur 81,5 millions de dollars acquis en 2009 !

Avec la méthode  Fast-Tract,  non seulement tous les travaux ont été exécutés à temps échu, mais Macky Sall, Premier Ministre  au moment de l’adhésion de notre pays à l’Initiative  Fast-Tract en 2006,  est devenu Président de la République du Sénégal le 25 mars 2012.

Il a vu le renouvellement de la confiance de la communauté des bailleurs de fonds et  du Global Parternship for Education (PME en anglais) avec l’organisation de la 3e conférence internationale de reconstitution des fonds PME sur le thème, « Invertir dans l’avenir », tenue à Dakar les 1 et 2  février 2018 sous sa coprésidence avec le Président de la République française Emmanuel MACRON, en présence de plusieurs personnalités de l’Organisation des Nations Unies. Les pays donateurs ont annoncé,  la fin de la rencontre des contributions  à hauteur de  2,3 milliards de dollars (1,3 milliards la conférence précédente) dont 2 millions offerts  par notre pays qui devient ainsi le premier bailleur  africain dans ce fonds.

Le Sénégal a eu de nouveau,  un financement de 72,2 millions d’euros du PME (37,2 millions d’euro) et de l’Agence Française de Développement (AFD, 35 millions d’euros) soit 47,535 milliards de francs CFA pour améliorer la qualité de son éducation. Si le financement  Fast-Tract accordé au Sénégal en  juillet 2009, visait exclusivement les infrastructures scolaires dans le primaire (création de nouvelles écoles, remplacement d’abris provisoires, construction de  salles de classes, de  blocs administratifs, toilettes séparées et points d’eau) , celui de 2018, couvre une fourchette  beaucoup plus large en intégrant les objectifs du Programme d’Amélioration de la qualité, de l’Équité de la transparence (PAQUET) pour améliorer  l’accès équitable à une éducation de qualité, améliorer la gestion et la supervision des établissements publics, augmenter le nombre d’enseignants qualifiés, etc.

Cependant, l’essentiel du financement ne sera décaissé que lorsque le gouvernement aura atteint certains cibles et résultats comme l’amélioration des niveaux de la lecture, en mathématique à la classe de CE1, identification et amélioration des services de l’éducation destinés aux enfants les plus défavorisés.

Il est donc impératif de  tirer le taureau par les cornes, exploiter  les leçons apprises du premier programme Fast-Tract pour mettre en œuvre la décision du 2 avril 2019 du Chef de l’Etat exprimée à travers cette phrase : « Nous allons mettre toutes les actions en mode Fast Tract » signifiant méthode accélérée, méthode par les résultats rapides ou initiative résultats rapides.  Leadership, pragmatisme et efficacité s’imposeront  durant  tout le processus de mise en œuvre des préalables,  et  du programme  jusqu’à l’évaluation finale pour atteindre les objectifs de financement  conditionnel octroyé.


Kalidou  Diallo, Maître de conférences Titulaire, UCAD, FLSH, Dpt d’Histoire

Ancien Ministre de l’Education (2008-2012)

Président d’ADEQUET/Afrique

Dakar le 23 juillet 2019

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