Célébration de la 125e édition du Magal de Touba : le départ en exil de Cheikh Ahmadou Bamba

La 125e édition du Magal de Touba, qui commémore le départ en exil de Cheikh Ahmadou Bamba, est célébrée ce jeudi 17 octobre qui coïncide avec 18 safar. La cité religieuse de Touba refuse déjà du monde, et les pèlerins sont venus d’un peu partout à travers le monde. 

Dès les premières heures de la matinée, ce jeudi, les fidèles ont pris d’assaut les points d’attraction de la commémoration de l’événement : la grande mosquée et les mausolées du fondateur du mouridisme et de ses défunts khalifes.

Les pèlerins se recueillent dans ces lieux en silence après avoir patiemment attendu dans les longues files qui s’étendent à perte de vue. 

L’attraction du Magal, c’est surtout cette mosquée imposante au centre de la cité religieuse. Elle est située en face de la résidence Khadimou Rassoul. De tous les coins de la ville de Bamba, l’on aperçoit de loin ce joyeux du haut de ces minarets, la mosquée rappelle le lieu saint de l’Islam, la Mecque. Tout se passe sous l’œil vigilant des forces de l’ordre qui appuient les membres des dahiras Safinatoul Amane et Khidmatoul Khidma, chargés de faire régner l’ordre dans la mosquée.125e édition du Magal de Touba : la ville sainte dans la ferveur

Les pèlerins venus de partout, hommes comme femmes rentrent dans la mosquée pour se recueillir auprès des mausolées de Serigne Touba, Serigne Mohamadou Moustapha, Serigne Mamadou Lamine Bara, Serigne Fallou, Serigne Saliou, Serigne Sidy Moctar Mbacké pour ne citer que ceux là.

A côté des pèlerins, des ambulants et tabliers venus pour faire des affaires. Ils vendent divers marchandises se frottent les mains. Certains visiteurs de la mosquée obligés de se déchausser avant de rentrer le lieu de culte s’achètent des chaussettes pour  ne pas rester pieds-nus. Des jouets pour enfants, des tissus ou autres bonnets, chapelets, des fruits sont également mis à la disposition des pèlerins par les vendeurs.

Cheikh Ahmadou Bamba, Serigne Touba (Le Marabout de Touba)Serigne Touba-Sénégal

Né vers 1855, Cheikh Ahmadou Bamba (de son vrai nom Ahmed Ben Mohamed Ben Abib Allah mais communément appelé Khadime Rassoul), appartient à une famille religieuse dans le Baol, à M’Backé, le village fondé par son arrière-grand-père vers 1772. Cheikh Ahmadou Bamba apparaît sur la scène politico-religieuse en 1886, à un moment très particulier. À cette date, il fonde non loin de M’Backé un village : Touba, siège de son enseignement coranique confrérique. Le Mouridisme est né. Étymologiquement il vient de « Al Mouride » ou plus simplement « Mourite » qui signifie « aspirant » ou « postulant » en wolof, c’est-à-dire « disciple » dans le vocabulaire religieux (Talibé). Cheikh Ahmadou, khalife général des Mourides, est alors connu sous le titre de « Serigne Touba ».

Bamba et les chefs traditionnels

En 1886, Cheikh Ahmadou Bamba est lié à des chefs traditionnels au premier rang desquels Lat Dior, le grand adversaire politique et militaire de la colonisation française depuis près d’un quart de siècle. Or, ce dernier, vaincu par les Français, décède en octobre 1886. Et plusieurs membres éminents parmi sa famille, ses dignitaires et ses partisans rallient la confrérie de Cheikh Ahmadou Bamba entre 1886 et 1895, date de son exil au Gabon.

L’Exil au Gabon (1895-1902)

Une fois prise, à l’issue de la séance historique du Conseil Privé de Saint-Louis, la décision de l’interner au Gabon, Cheikh Ahmadou BAMBA fut transféré à Dakar où il parvint au soir du jeudi 19 septembre 1895, relate le site majalis.org.

Installé chez un indigène du nom de Ibra Binta GUEYE, le Cheikh, alors à jeun, se vit aussitôt convoqué par le Gouverneur de Dakar dont le courroux, se déversant sur lui, l’obligea à passer la nuit dans une cellule infecte dont l’inhospitalité marqua si fortement le Cheikh qu’il écrivit plus tard:

« Lorsque je songe à ce qui fut décidé, à ce Gouverneur et à ce cachot, me prend aussitôt l’envie de combattre par les armes; mais Celui qui éfface les péchés [le Prophète] m’en dissuade… « 

Cheikh Ahmadou BAMBA embarqua finalement le samedi 21 septembre 1895 à bord du paquebot « Ville de Pernambouc » sur lequel il aura à affronter d’autres épreuves dont: l’hostilité affichée de l’équipage, la ruée d’un taureau déchaîné vers sa sainte personne et dont il fut miraculeusement préservé etc.

Une fois aux îles, le Cheikh, selon ses propres dires mêmes, fut sujet à toutes sortes d’exactions et de brimades, et cela tout au long de ses séjours successifs dans la jungle de Mayumba, à Lambaréné et ailleurs.

La moiteur, le grand nombre de maladies tropicales mais surtout la solitude caractérisant ces lieux firent aussi de ces années les plus éprouvantes de l’existence du Cheikh, isolement perceptible dans nombre de ses écrits où il exprime avec humilité tout son attachement, sa confiance et sa reconnaissance au TRES-MAJESTUEUX de même que sa résolution inébranlable à rester « l’esclave de DIEU et le Serviteur du Prophète (PSL) à demeure ».

N’ayant pour témoins que les éléments, il eut cette poignante profession: « O Océan de Mayumba! témoigne que je suis l’esclave de [DIEU], Celui qui pardonne les péchés, et que je demeure le Serviteur du [Prophète] Elu! Témoigne, qu’en tant qu’ami intime du [Prophète], celui qui comble d’honneurs ses amis, je rejette toute forme d’association à DIEU et n’adore que Lui seul! »

Ces épreuves et d’autres privations que s’infligeait volontairement le Cheikh pour la FACE de DIEU eurent quelques fois pour spectateurs les habitants primitifs de ces contrées ou des indigènes originaires du Sénégal dont certains eurent à lui manifester leur estime ou même à lui faire allégeance. Le Cheikh aura aussi à faire la rencontre, durant l’Exil, de nombre de personnalités marquantes de cette époque, telles le futur premier député d’Afrique Noire Blaise DIAGNE, alors fonctionnaire des Douanes, son disciple et frère Mame Cheikh Anta MBACKE qui avait entreprit le périlleux voyage au Gabon.

Le Cheikh eut de même à entretenir une correspondance avec l’illustre résistant guinéen, l’Almamy Samory TOURE, déporté depuis 1899 à Njolé, au Gabon, où il trouvera d’ailleurs la mort le 2 juin 1900. Il est rapporté que le Cheikh effectua, lorsqu’il apprit la nouvelle, la prière des morts à son intention depuis Lambaréné, conformément à la Sunna Prophétique . L’ex-Bourba Jolof Samba Laobé Penda, exilé cinq mois après le Cheikh en raison, pour partie, des relations le liant à celui-ci, eut aussi à le retrouver au Gabon.

Cette période fut également marquée par l’abondance des Dons Mystiques Incommensurables procédant de DIEU, Faveurs

Insignes se traduisant par une Elévation à des degrés spirituels inouïs et inédits que démontre la profusion littéraire des années dites  » maritimes »; richesse le rangeant de facto parmi les auteurs les plus prolifiques, sinon le plus prolifique, du monde musulman. Ainsi aura t-il à répondre beaucoup plus tard à son fils Cheikh Muhammad-al-Bachir MBACKE qui le questionna un jour sur cette époque:

« [Au cours de cet exil] ma connaissance gnostique s’est accrue, mon arrivée à DIEU (wusûl) s’est confirmée, ma certitude a atteint de nouveaux degrés et j’ai obtenu des Grâces Infinies »

Au cours de cette période la jeune communauté mouride eut à affronter l’une des premières épreuves les plus pénibles de son histoire car, la déportation de son guide ayant entamé l’engagement de certains, il y eurent des désaffections contrastant singulièrement avec le regain d’assurance et de triomphalisme de leurs adversaires qui, excès d’acharnement et de cruauté, n’hésitaient pas à distiller des rumeurs sur la disparition de Cheikh Ahmadou BAMBA.

Mais regroupés autour de leurs principaux cheikhs désignés par Khadimou Rassoul à son départ: Mame Thierno Birahim assumant la direction des enseignements, Cheikh Ahmadou NDOUMBE préposé à la supervision des travaux champêtres, Cheikh Ibrahima FALL et d’autres figures emblématiques de la Muridiyah, les adeptes réussirent à préserver intacte leur foi en l’Inéluctabilité du Secours Divin et au triomphe de la Vérité sur l’erreur.

Par ailleurs les efforts que ne cessa de consentir le Cheikh Ibrahima FALL, resté à Saint-Louis, réussirent à convaincre le futur député CARPOT entre autres de la parfaite innocence de Cheikh Ahmadou BAMBA au point qu’il s’engagea à réhabiliter celui-ci à son élection. La chose faite, le Serviteur du Prophète put, par la Grâce de DIEU et Sa Volonté Bienveillante, rentrer au Sénégal le mardi 11 novembre 1902 à bord du navire « Ville de Maceïo », après un peu moins de huit années exil

L’on peut aisément imaginer l’extraordinaire effervescence qui accueillit au port de Dakar, puis dans le reste du pays le retour de « celui qui est revenu des contrées d’où l’on ne revient pas », grâce à la Seule Puissance de DIEU, qui n’a point, encore une fois, manqué à Sa Promesse de « secourir les Croyants »…

Historique de la grande Mosquée de ToubaMagal de Touba 2019

Le 04 mars 1932, cela fait 87 ans maintenant que la communauté mouride procédait à la pose de la première pierre de la grande Mosquée de Touba. Une cérémonie qui s’est faite sous la direction du premier khalife de Serigne Touba, Serigne Mouhamadou Moustapha Mbacké, depuis lors l’édifice religieux est toujours en chantier. En cette période de Magal, votre portail laviesenegalaise.com, au cœur de l’évènement, revient sur les différentes étapes qui ont marqué la construction de cette grande mosquée qui fait la fierté de tous les mourides.

  • Le 04 mars 1932 constitue le point de départ de la construction de la grande mosquée de Touba soit presque 5 ans après le rappel à Dieu de Cheikh Ahmadou Bamba, dans une époque de crise économique dans le monde entier et face à l’administration coloniale son premier khalife, Serigne Mouhamadou Moustapha Mbacké entama les travaux de cette mosquée. Pour y arriver avec l’aide de ses talibés ils construisent le chemin de fer entre Diourbel et Touba pour faciliter l’acheminement des matériaux de construction. De 1932 à 1945, date de son rappel  à Dieu, il joua pleinement son rôle et les fondements de l’édifice sortirent de terre.
  • 1945, Serigne Fallou Mbacké accéda au califat et c’est sous son règne que la grande mosquée de Touba prend forme et  sera même inaugurée le 07 juin 1963. Le deuxième khalife de Serigne Touba participa activement à l’embellissement de la mosquée jusqu’à son rappel à Dieu en 1968.
  • 1968, le troisième khalife de Serigne Touba accéda au trône il s’agit de Serigne Abdou Lahat Mbacké, lui aussi  joua sa partition comme ses prédécesseurs, il participa à l’agrandissent et à l’embellissement de la mosquée jusqu’en 1989 date de son rappel à Dieu.

Arrive ensuite le quatrième fils de Serigne Touba, Serigne Abdou Khadr Mbacké, surnommé l’imam des imams, en effet plus de 20 ans il a dirigé la prière dans cette grande mosquée de Touba. Il ne fera qu’une année comme khalife, toutefois il a continué le travail de ses frères.

  • 1990, il est rappelé à Dieu, Serigne Saliou Mbacké lui succéda. Durant 17 ans le dernier fils de Serigne Touba comme khalife participa pleinement à l’agrandissement et à l’embellissement de la grande mosquée à l’intérieur comme à l’extérieur.
  • 2007, marque le début du califat des petits fils de Serigne Touba, Serigne Mouhamadou Lamine Bara Mbacké, 6e khalife de Serigne Touba poursuivra les travaux entamés par ses pères.  Durant 3 ans lui aussi apporta sa touche sur cet édifice (du hall de la mosquée aux hauts des minarets, tout devient encore plus beau).
  • 2010, Cheikh Sidy Moctar Mbacké accéda au trône et devient le 7e khalife de Serigne Touba.  Il entama l’agrandissement avec la construction de deux nouveaux minarets. La pose de la première pierre de ces deux minarets eu lieu le 06 mars 2013 en présence de Serigne Mountakha Mbacké. Trois ans après la construction des minarets est presque achevés. La grande mosquée de Touba passa de 5 à 7 minarets. Ce dernier a été rappelé à Dieu, le mardi 09 Janvier 2018.

 

  • Janvier 2018, Serigne Mountakha Mbacké a succédé au Califat Serigne Cheikh Sidy Moukhtar Mbacké, rappelé à Dieu le 09 janvier de la même année. Il se distingue très rapidement par son visage jovial traversé par une barbe blanche linéaire. Il est décrit comme un père d’une approche facile, ouvert et disponible.C’est depuis la disparition de Serigne Moustapha Bassirou Mbacké son aîné, au mois d’août 2007, que Serigne Mountakha est sorti de l’ombre, puisqu’il était en retrait de toute mondanité. Ainsi dirige-t-il à présent la prière de la Tabaski à Diourbel, comme le faisait son aîné, reconduit les Ndiguëls de Porokhane où il se rend souvent. Il a aussi achevé la construction d’une mosquée à Darou Minam.Cultivateur, il dispose de champs à Darou Salam Typ où il a installé un daara et y gère plusieurs disciples. Résolument dévoué au service de Khadim Rassoul, il détient toujours par devers lui, des feuillets du Coran qu’il psalmodie et en fait son compagnon de tous les jours. Son respect du Ndiguël lui a valu la confiance de Serigne Saliou.Cette confiance se verra renforcée par les khalifes qui l’ont succédé (Serigne Bara Mbacké Falilou et Serigne Sidy Mokhtar Mbacké) par sa désignation comme représentant lors de certains évènements importants de la vie de la communauté Mouride.

    A l’image de son père, il est un grand érudit qui détient d’autres connaissances qui font de lui un homme d’une grande culture et dont la conduite est une référence pour les descendants de Khadim Rassoul et de tous les disciples. Lui aussi est en train de marquer par son empreinte sur l’embellissement de la mosquée. Le 27 septembre dernier, il a présidé l cérémonie d’inauguration de la grande Mosquée Massalikoul Djinane, construite à coût de milliards (environ 20 milliards de Cfa) dans la capitale sénégalaise, Dakar.

La grande mosquée de Touba, l’une des plus grandes au Sénégal et en Afrique, peut accueillir des milliers de personnes lors de la prière du vendredi. C’est dans cet édifice que repose le fondateur du mouridisme Cheikh Ahmadou Bamba et plusieurs des khalifes qui lui ont succédé.Magal de Touba 2018, Mausolée à la Grande Mosquée de Touba

Pour rappel, la première célébration à Touba fut initiée par Serigne Fallou Mbacke en 1946. En effet, c’est en 1946 que Cheikh Mouhamadou Falilou Mbacké a initié la célébration du Grand Magal de Touba telle que nous la connaissons et vivons aujourd’hui. Il a demandé aux talibés de se rendre à Touba pour célébrer ensemble ce jour.

À l’origine, chaque talibé célébrait le Magal là où il se trouvait, pourvu d’être conforme aux recommandations du Cheikh. Avec le temps, le deuxième Kalife, Cheikh Muhamad al-Fadel, a eu l’idée de rassembler tous les mourides à Touba. L’acte s’inscrit dans le cadre du raffermissement de la cohésion de la communauté. Il y avait ainsi des objectifs spirituels, mais aussi des objectifs sociaux (rencontre, échanges, etc.) et économiques dans la mesure où des ruraux venus avec leur production peuvent les écouler facilement avec l’arrivée de citadins. Un courant d’échanges se crée ainsi entre les deux groupes.

Tout cela n’était pas absent de l’esprit de celui qui a donné cette forme au Magal… Le deuxième calife a estimé qu’il était très profitable à la communauté de rassembler tout le monde à Touba pour célébrer le Magal.

La cérémonie officielle du Magal est prévue demain, vendredi, sous la présidence du khalife des mourides, Serigne Mountakha Bassirou Mbacké, en présence des membres du Gouvernement. Elle marquera la fin de cette 125e édition.

 

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