Biram Faye, responsable Apr : «Le Yoonu yokkuté n’avait pas prévu un quinquennat rétroactif»

Le Président Macky Sall peut dormir tranquille, selon le directeur général de l’Agence pour l’économie et la maîtrise d’énergie (Aeme). Malgré le maintien du septennat en cours, Biram Faye ne craint pas du tout une baisse de la popularité du chef de l’Etat car, dit-il, son bilan et ses projets suffisent pour garantir un second mandat.

Que pensez-vous du maintien du septennat en cours décidé par le chef de l’Etat ?
Globalement, on peut dire que ce sont des réformes historiques, innovantes et consolidantes. C’est la première fois qu’un président de la République initie des réformes qui ne visent pas à renforcer son pouvoir. Mais il s’en déleste au profit de l’Assemblée nationale, en termes d’évaluation et de suivi des politiques publique. Le nombre des membres du Conseil constitutionnel va augmenter et ses pouvoirs seront renforcés. Les réformes vont aussi permettre aux candidats indépendants de participer à toutes les élections. Je voudrais également souligner le verrouillage qui consiste à rendre intangible la question des deux mandats. On en aura fini avec la question du mandat présidentiel.
Il y a aussi la reconnaissance de l’apport significatif des Sénégalais établis à l’étranger avec un système de députation renforcé. Bref, ce sont des réformes nécessaires qui renforcent la démocratie et l’Etat de droit. De mon point de vue, la question relative à la réduction du mandat est un peu réductrice. Elle ne devrait pas cacher l’importance des réformes. Cela dit, le Président n’a pas décidé de réduire son mandat en cours. Il en avait pris l’engagement entre les deux tours de l’élection présidentielle. J’ai participé à l’élaboration de son programme Yoonu yokkute dans lequel nous avons parlé d’un mandat de cinq ans, mais nous n’avions pas dit que ce serait à effet rétroactif. Donc, le programme que nous avions fait, était basé sur sept ans.
Comme nous appartenons à un parti, nous avons choisi de régler nos questions dans les limites des frontières de notre organisation qui est l’Alliance pour la République. Donc, le Président a fait une promesse qu’il a réitérée à maintes reprises au Sénégal et un peu partout dans le monde. Maintenant, nous sommes dans un Etat de droit et le Président ne pouvait pas prendre un décret pour réduire son mandat de façon discrétionnaire. Il fallait passer par l’article 103 ou 51 de la Constitution. Nous avons choisi de passer par l’article 51 qui dit que le Président, après avoir recueilli l’avis du président de l’Assemblée nationale et du Conseil constitutionnel, peut soumettre un projet au référendum. C’est ce qu’il a fait. Le Conseil constitutionnel a donné sa réponse qui s’oppose à la volonté de réduire le mandat en cours. Sur le principe, la juridiction accepte la réduction du mandat, mais pas de façon rétroactive.
Ensuite, il y a l’article 92 de la Constitution dit que les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucune voie de recours. Elles s’appliquent à toutes les autorités administratives et juridictionnelles et à tous les pouvoirs publics. En tant que gardien de la Constitution, le Président ne peut pas donc affaiblir le Conseil.
Dans un Etat de droit, tout le monde se soumet et obéit à la loi. Le temps des politiques n’est pas celui des juges. Dans une République, la justice ne peut pas se soumettre à la volonté des hommes politiques.  Ce serait un précédent extrêmement dangereux. Le Président n’est pas un monarque. Il n’est pas au dessus de la Constitution ni au dessus des lois et règlements encore moins des principes fondamentaux du droit. Parmi ces principes, il y a celui de la non-rétroactivité des lois. Nous devons un respect total aux décisions des juges, à commencer par le chef de l’Etat. J’ai été d’ailleurs très surpris que des intellectuels, des hommes politiques, des éditorialistes participent au débat en essayant de le polluer et de manipuler l’opinion.

Que faites-vous alors de la parole donnée ?
Je vais rappeler un fait. En 2012, quand le Conseil constitutionnel avait validé la candidature de Me Abdoulaye Wade, le candidat Macky Sall avait arrêté les va-et-vient incessants entre la Place de l’Obélisque et la Place de l’Indépendance pour aller battre campagne. Il a battu Wade par le biais des urnes. L’histoire retiendra qu’il est le Président le mieux élu du Sénégal. Donc, il est constant. L’autre élément est que le Président a prêté serment. Il a juré de ne pas violer la Constitution. Pouvez-vous mettre la parole au-dessus du serment ? C’est une question de logique.

Sauf qu’après avoir prêté serment, le Président a continué de réitérer cet engagement…
On peut avoir une volonté de faire quelque chose et que celle-ci se heurte à la volonté divine. Elle peut ne pas être acceptée par les lois et règlements en vigueur. Il a usé de toutes les voies possibles. La mort dans l’âme, en tant républicain, il a été obligé de se conformer à la décision du Conseil constitutionnel. Toute­fois, son bilan peut nous permettre d’être optimiste quant à l’obtention d’un second mandat.

Mais vos alliés ont commencé à vous quitter. Comment voyez-vous les démissions dans la coalition Benno bokk yaakaar ?
On peut être d’accord que, dans l’histoire politique du Sénégal, la coalition Benno bokk yaakaar a le mérite d’être celle qui a le plus durée au pouvoir. Donc, nous avons réussi l’exceptionnel. Notre crédo, c’était gagner ensemble et gouverner ensemble. Nous l’avons respecté jusqu’au bout. Dans une démocratie, les alliances doivent se baser sur les résultats électoraux. Nous ne l’avons pas respecté au profit de nos alliés. Nous avons donné plus qu’il ne fallait à l’Assemblée nationale, dans le gouvernement et un peu partout. Nous avons fait plus qu’il ne fallait au détriment de notre propre parti.
Maintenant, la politique fonctionne comme un train. A chaque arrêt, il y a des gens qui descendent et d’autres qui montent. Depuis quatre ans, il n’y a que deux ou trois départs. Et c’est une coalition de coalitions.

Ne craignez-vous pas d’autres départs ?
En tous cas, nous n’avons pas peur. Wade disait en pleine campagne que son successeur n’aurait pas la possibilité de payer les salaires. De 2012 à nos jours, nous avons réussi à gérer l’inflation, à diminuer les prix des denrées de première consommation courante. Jusqu’à présent, aucun des prix n’a augmenté. Nous avons fait des choses concrètes dans tous les secteurs de la vie socio-économique. Nous avons de belles perspectives avec le Plan Sénégal émergent (Pse).

Donc, vous ne voyez pas une baisse de la popularité du Président…
Pas du tout ! Le Président reste populaire. C’est Dieu qui trace les destins. L’histoire retiendra qu’il a un parcours politique et institutionnel qui ne court pas les rues. Nous avons fait 90 mille kilomètres dans ce pays. Nous avons été un peu partout. A partir d’une base participative, nous avons identifié les difficultés de nos compatriotes. A partir de ses informations de base, nous avons élaboré le Yoonu Yokkute. Une fois au pouvoir, nous avons tout intégré dans le Pse. Donc, au niveau national comme international, le Président garde sa popularité. Il a un bilan qui peut lui garantir une élection dès le premier tour, même si la Présidentielle devait se tenir en 2017. Il est temps que le Sénégal devienne une grande économie.

Pour en arriver là, il faut aussi de l’énergie. Aujourd’hui, quel bilan pouvez-vous faire des programmes que votre agence a mis en œuvre ?
Dans le Pse, l’énergie constitue un des premiers défis à relever pour que les autres secteurs puissent libérer leurs potentialités. Maintenant, l’Agence pour l’économie et la maîtrise de l’énergie a été créée en 2011. Elle est devenue fonctionnelle en 2013. J’ai pris service 1er août 2014. Notre mission, c’est la promotion de l’utilisation rationnelle de l’énergie sous toutes ses formes, dans les administrations, les industries et les ménages. Nous avons également la mission de quantifier et de mettre en œuvre l’efficacité énergétique. Nous avons déjà défini une stratégie nationale de maîtrise de l’énergie, etc.

La facture d’électricité de l’Etat a-t-elle baissé ?
Nous avons lancé le programme de réduction de la facture publique d’électricité. Il a eu un an le 25 janvier dernier. Il consiste à auditer 7 000 polices d’abonnement au niveau des administrations centrales et décentralisées, des établissements publics qui ont une autonomie financière. Je précise que la facture d’électricité de l’Etat fait 30 milliards de francs Cfa dont 16 milliards pour l’Etat central. Nous travaillons à diminuer cette facture. Ce n’est pas impossible. Le Président l’a déjà réussi dans d’autres secteurs. Pour l’audit, nous en sommes à 60%, soit 4 200 polices. Il nous a permis d’identifier toutes les anomalies dans le secteur. Par exemple, il y a des polices non occupées et non résiliées comme il y a d’autres qui sont utilisées par des non-ayant droits. Nous sommes en train de travailler pour apporter toutes les corrections nécessaires. Certai­nes d’entre elles ne nécessitent pas d’investissement. Il nous reste à optimiser la souscription avec l’acquisition et la pose de batteries de condensateurs. Ceci figure dans notre budget de 2016. Nous pouvons être optimistes que nous réussirons le programme administration. Nous voulons faire bénéficier à l’Etat du Sénégal une réduction de 3 milliards de francs Cfa par an. Le deuxième programme s’appelle Eclairage efficace. Il vise les industries, les ménages, etc.

Birame FAYE – Le Quotidien

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