Au-delà de Ouzin Keita : nous

Qu’on ne voie pas, et qu’on n’essaie même pas de voire en ces lignes une quelconque attaque. Ce n’est pas l’objectif. Seulement, pour n’importe quelle situation, il est permis d’émettre une analyse. Fausse, elle peut l’être, ou vraie. D’ailleurs, qu’importe, puisque l’intérêt est qu’elle soit faite et, par la suite, proposée à l’appréciation du public. Ce dernier est souvent plus alerte et plus profond en intelligence que celui ou celle qui propose ladite analyse. Alors, l’appréciation lui revient entièrement, comme la responsabilité de ce qui y est dit revient pleinement à celui (celle) qui l’émet.

Et, nous prenons la responsabilité de rappeler, d’emblée, cette sagesse wolof qui dit : « lu waay reendi sa loxo lay nàcc.». Laquelle sagesse, curieusement, remet tout un chacun devant sa responsabilité individuelle, et, si l’on veut, nous place tous, autant que nous sommes, devant notre responsabilité, quant à ce qui sera analysé (ce qu’on essaiera d’analyser) ici.

Tous, donc, avons été témoins de l’évolution de la mode au Sénégal. Tous nous avons vu nos petit-frères adopter un comportement vestimentaire de plus en plus proche de celui de nos sœurs. Les pinws, les cafetan-robes (oui, rappelons-nous des débuts du sabadoor serré, qui évoque indirectement la robe, et qui, d’ailleurs, est toujours en vogue chez certains), ne sont pas passés sous notre nez sans qu’on ne s’en aperçoive. On a tout vu. Mais, a-t-on dit mot ?

Outre la couleur rose que plus d’un homme a fait sienne sous nos cieux, il s’est produit plus grave phénomène. Ce dernier, peut-être, a échappé à plus d’un. Ou, peut-être, s’est-il imposé dans le quotidien de nos yeux à tel enseigne que ce n’est pas (plus) grave dans l’esprit de l’homo-senegalensis. Plusieurs expressions créées par des femmes ont très vite intégrées le vocabulaire populaire et, assez vite, ont été reprises, adoptées et amplifiées par les hommes. Rappelons-nous de Amina Poté (où est-elle même maintenant, celle-là ?) et de ses expressions comme « damakoy corote ». Il existe d’autres expressions plus récentes, telles que « fël fëllale.» A la base, tous ces modes d’expression sont d’origine féminine. Pourtant, la gent masculine les a adoptées, sans problème aucun.

Sommes-nous entrain de censurer des expressions, ou la parole ? Aucunement ! Une analyse, un essai d’analyse, ne censure pas. Ça dit ce que ça voit, et puis c’est tout. Une autre chose alors, qu’on a vue : les réseaux sociaux, notamment Whatsapp et Snapchat avec leurs « filtres » et «statuts.» Et ce concernant, des femmes même ont affiché leur dégoût. Si, elles ont été heurtées par ces hommes qui se comportent presque comme elles. Qui est-ce qui n’a pas vu un frère, un proche, un ami, l’ami d’un ami, se lécher les lèvres, adopter une gestuelle féminine (l’expression n’en parlons pas), dans le seul but d’assaisonner son « statut » ou d’alimenter un autre compte dans un réseau social ?

Mais cela ne dérange pas (que cela dérange ou pas nous importe peu ici). Car, si cela dérangeait, Maam Faal Jólli n’aurait pas autant de « vues », de « commentaires » et de « partages » à chacune de ses vidéos. Aurait-on oublié ces trois « taasukat » qui ont choqué plus d’un ? Ces trois-là, qui chantaient, dansaient et se tordaient le corps plus habilement que beaucoup de jeunes filles, et qui se disaient « Baay Faal ». Ils se surnomment « les ho boys » et qui le veut peut aller vérifier leurs vidéos. Mais, attention aux hommes sensibles…

Il semble donc apparaître que se mettre en mode « féminin » soit une norme. C’est normal (et nous n’émettons aucun jugement). Le normal, c’est quoi, si ce n’est ce qui s’est imposé comme habitude ? Tout ce dont on a parlé ci-dessus, n’est-ce pas un lot de comportements auxquels on reconnaissait les femmes, et desquels les hommes se sont accaparés ?

Et pourquoi diantre s’acharne-t-on sur Ouzin Keita, lorsque ce dernier s’habille manifestement en femme ? Là, c’est devant une responsabilité collective que toute la société devrait être placée. Devant sa responsabilité. Mais, de notre côté, nous prenons la responsabilité de rappeler cette autre sagesse wolof qui disait : « liiy raam ci ñag bi la jëm.» A-t-on besoin de traduire ? Peut-être si, non, peut-être. Ce que l’on peut affirmer, sans risque de se tromper, c’est que des choses se sont déroulées devant tous. Des détails, surement, pour la plupart des Sénégalais. « Les ho boys », les statuts efféminés, la récupération des expressions de femmes…ce ne sont que des détails, et les gens ont mieux à faire que de se soucier de détails. Le chômage, la corruption, entre autres, sont plus importants…

Alors, qu’on ne s’acharne pas sur une personne qui ne fait que renvoyer à la société le reflet de son évolution, de son état à un instant précis…

 

 

Moussa  Seck  –  laviesenegalaise.com

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