Assassinat de Me Babacar Séye : 23 ans après le mystére démeure toujours

15 mai 1993-15 mai 2016! 23 ans, jour pour jour que le juge Babacar Sèye était assassiné sur la Corniche-ouest par une bande d’individus supposés proches du Parti démocratique sénégalais (Pds), alors principale force d’opposition au régime socialiste d’Abdou Diouf. 21 ans de mauvaise conscience, dès lors que les libéraux, venus au pouvoir, avaient posé des actes inquiétants pour effacer ce meurtre de la mémoire collective.

Cependant, un retour dans le passé permet de revenir sur les péripéties de cet événement qui se s’est déroulé entre le 21 février 1993 et le 15 mai 1993, au sortir d’une Présidentielle sanctionnée par une réélection d’Abdou Diouf avec 58,4 % face à Abdoulaye Wade. Ce regrettable 15 mai 1993, Babacar Sèye, viceprésident du Conseil constitutionnel, l’instance habilitée à donner le verdict de ces échéances électorales, est assassiné par balles dans sa voiture par 3 hommes qui circulaient à bord d’un véhicule. Son garde du corps est blessé.

Huit mois après, soit en ctobre 1993, Abdoulaye Wade, leader de l’opposition à l’époque, est inculpé pour «atteinte à la sûreté de l’Etat et complicité d’assassinat» dans le cadre de l’enquête. Son épouse, Viviane Wade, et le député du Pds Abdoulaye Faye ont également été inculpés. Ils ont finalement été tous les trois libérés. Ce, à travers un non-lieu décerné par la Chambre d’accusation.

Quant à Clédor Sène, Assane Diop et Pape Ibrahima Diakhaté, jugés en Cour d’Assises, ils ont été condamnés à des peines allant de 18 à 20 ans de réclusion criminelle. Une peine que ces derniers ne purgeront pas. Pour cause, en 2002, à la faveur de l’arrivée de Me Wade au pouvoir, la bande à Clédor est élargie de prison. Elle a bénéficié d’un décret de grâce du président de la République. Et cerise sur le gâteau, le 7 janvier 2005 une loi d’amnistie plus connue sous le nom de Loi Ezzan, du nom de son auteur, Ibrahima Isidore Ezzan, député de Kaffrine, a été promulguée par le Président Wade, au sortir d’un Conseil des ministres tenu le jeudi 17 avril 2005. Une loi qui vient effacer tous les crimes et délits politiques commis entre 1983 et 2004. Ce qui veut dire que tous les auteurs et commanditaires de crimes et délits en relation avec les élections de 1983 à 2004 sont amnistiés, histoire d’effacer ce meurtre de la mémoire collective des Sénégalais.

Alors que certains pensaient avoir tourné la page, l’affaire de cet assassinat va connaître un tournant avec la publication de l’ouvrage intitulé : «Affaire Maître Sèye : un meurtre sur commande» du journaliste investigateur Abdoulatif Coulibaly, aujourd’hui ministre de la Bonne gouvernance, chargé des Relations avec les Institutions, porte-parole du gouvernement.

Dans cet ouvrage, le journaliste déroule le fil des événements ayant précédé et suivi l’assassinat  de Me Séye et publie des témoignages qu’il a recueillis tout au long de son enquête. Des témoignages et les informations obtenus après investigations et contenus dans le livre, désigne l’ancien président de la République, Me Abdoulaye Wade, comme le commanditaire de ce meurtre.

Pape Ibrahima Diakhaté, un des mis en cause raconte dans les détails comment d’un projet d’assassinat de l’ancien président du Conseil constitutionnel, Youssou N’diaye (ancien ministre des Sports sous l’alternance), ils sont passés à l’exécution de Me Babacar Sèye. Ces extraits et passages sont tirés du chapitre : «Un meurtre sur commande» titre éponyme de l’ouvrage. Me Wade se montre plus clair et plus précis, explique Diakhaté : Il faut l’assassiner, qu’on l’assassine».

Par ailleurs, dans un précédent ouvrage, «L’alternance piégée», l’écrivain-journaliste avait même révélé que le Président Wade a débloqué 600 millions de francs pour indemniser la famille de Me Sèye. Laquelle somme sera démentie par la commission d’enquête parlementaire instituée par l’Assemblée nationale qui déclare que c’est 200 millions et non 600 millions. Mais cette commission parlementaire, composée de députés de la majorité et de l’opposition, a connu des fortunes diverses qui ont fait que l’opposition n’a pas voté ses conclusions.

Le 7 janvier 2005, l’ancien Garde des Sceaux, ministre de la Justice, Serigne Diop, a affirmé que l’indemnisation de la famille de Me Sèye est tout à fait conforme au droit. Cette indemnisation «est tout à fait conforme au droit et à la réglementation en la matière », avait soutenu à l’époque Serigne Diop. Il portait ainsi donc la réplique à des députés qui, lors de l’examen du projet de loi portant amnistie, avaient jugé illégale une telle mesure.

A propos de la controverse d’ailleurs autour de la somme dégagée pour indemniser la famille du juge assassiné, Abdou Latif Coulibaly a rappelé que Serigne Diop avait souligné qu’il n’est pas décent qu’on mette sur une balance cette somme avec la vie d’un individu. Depuis lors, un voile transparent est retombé sur cette affaire qui est loin de connaître son épilogue. Cela même si l’Assemblée nationale est souvent tentée de rouvrir ce dossier pour tirer cette affaire politico-judiciaire au clair.

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