ACCIDENTS, VITESSE, CHERTÉ DES PRIX, INCIVISME : L’autoroute de tous les excès

Papis Mballo s’en est allé. Mais non sans laisser derrière lui un vif débat autour de l’autoroute qui l’a vu succomber de manière si brutale. Sécurité, tarifs,civisme : tout y passe. Pendant que le président de la République demande une révision de la concession, certains observateurs, loin de la volée de bois vert contre Eiffage, interpellent la conscience des citoyens et du gouvernement pour éviter pareils drames à l’avenir.

Encore une fois, Général Macky enfile sa tenue de guerre. Il engage la fatwa contre l’insécurité sur l’autoroute dite de l’avenir. Pour lui, c’est une “nécessité absolue de sécuriser le parcours de l’autoroute à péage’’. Le chef de l’Etat ne se limite pas à cette proclamation de principe.

De l’intérieur du palais de la République, en marge de la cérémonie de levée des couleurs ce lundi, il peste : “Il n’est pas possible de laisser des animaux transpercer le dispositif de sécurité. J’engage le gouvernement à prendre toutes les dispositions pour que pareils accidents ne puissent se reproduire.’’ La déclaration est certes laconique, mais elle n’en demeure pas moins ferme.

Toutefois, le président de la République, homme le plus informé du pays, ne s’hasarde pas à désigner des responsables. Est-ce le gouvernement ou l’entreprise concessionnaire ? Il ne faut pas s’attendre à cette sortie de Macky Sall pour avoir une réponse. Une chose est sûre : dans la mort de Papis Mballo du groupe Gelongal, deux causes principales ont été invoquées. D’une part, c’est le défaut d’éclairage. D’autre part, la divagation des animaux. En tout cas, pour Maodo Malick Mbaye, Directeur général de l’Agence nationale de la maison de l’outil, la question ne semble pas se poser. Il accuse, sans mettre de gants, Gérard Senac et son entreprise.

Dans une lettre ouverte, il assène ses vérités. D’emblée, il fulmine, en tutoyant le Pdg d’Eiffage Sénégal : “Gérard, l’apostrophe-t-il, il faut arrêter l’hécatombe.’’ A l’instar de nombre de Sénégalais, le responsable politique exprime sa tristesse et sa désolation.

Rappelant la mort de Gora Thiam, décédé dans des circonstances presque similaires, il peste : “Notre pays ne peut plus supporter encore longtemps cette tragédie à grande échelle due, le plus souvent, à des négligences humaines et à des carences manifestes dans la gestion des risques. Il faut le dire clairement et sans équivoque : cette série d’accidents va altérer la réputation et le label de confiance d’Eiffage dont nous attendons, à juste titre, une plus grande exigence dans la qualité des services rendus aux usagers.’’ Dans ses diatribes, M. Mbaye ne mâche pas les mots pour s’en prendre, sans retenue, à l’entreprise française. Même s’il reconnait son savoir faire et son expertise, il se veut clair, net et précis. “J’exprime, Gérard, renchérit-il, un sentiment de lassitude que je partage avec beaucoup de mes compatriotes dépités par les nombreux accidents sur le péage’’.

Défaut d’électrification : à qui la faute ?

Ce même dépit qui a certainement dû pousser son mentor de président à sortir de sa réserve présidentielle. Dans une dernière envolée, cette fois empreinte d’espoir, Maodo Malick requiert : “Il faut, par conséquent, mériter la confiance du gouvernement et du peuple sénégalais, gentlemen certes, mais pas au point de laisser ses enfants mourir sur le péage du fait de déficits qui auraient dû être corrigés rapidement. Je suis toujours submergé d’une émotion indescriptible, à chaque fois que l’occasion m’a été donné d’admirer, à partir du péage, les chantiers qui sortent de terre à hauteur de Diamnidio. C’est d’une beauté sublime.

Il ne faut jamais se lasser de hisser le péage à la hauteur des nouvelles ambitions que se donne le pays sur la voie de l’émergence’’. Ainsi en est-il depuis la disparition du musicien de Gelongal, dans la nuit du jeudi au vendredi derniers. La plupart des sorties se sont bornées à vouer aux gémonies le concessionnaire. Mais qu’en est-il de la responsabilité de l’Etat dans cette affaire ? Pour certains spécialistes, “l’éclairage de l’autoroute à péage est de la responsabilité du gouvernement et non d’Eiffage’’.

Toutefois, à en croire Didier Payerne, Directeur opérationnel de l’Autoroute de Dakar, cette question de l’éclairage sera bientôt un mauvais souvenir. Sur les ondes de la Rfm, il informait que “l’éclairage devrait être mis en place dans un proche avenir’’. Le conditionnel employé par le responsable à Eiffage cache pas mal de non-dits.

Par ailleurs, un de nos interlocuteurs n’hé- site pas, non plus, à pointer un doigt accusateur sur “l’incivisme notoire’’ qui caractérise certaines populations. “Ceux qui coupent les grillages pour se frayer des passages sur l’autoroute sont autant responsables’’, argue-t-il. Là encore, il se pose la question de savoir ce qu’attend le gouvernement pour sévir contre ces “délinquants’’ qui, pour leurs commodités individuelles, sont prêts à mettre en danger tant de vies humaines. Cependant, au-delà de l’affaire Papis, quand la nuée de poussière soulevée par cette mort tragique va se dissiper, il faudra aussi s’interroger sur la vitesse exponentielle avec laquelle roulent certains automobilistes sur ce qu’il est désormais convenu d’appeler “l’autoroute de la mort’’.

A tort ou à raison ! Selon notre interlocuteur, là également, la responsabilité des autorités est directement interpellée. Il explique : “Sur l’autoroute à péage, la vitesse est limitée à 110 km/h. En Occident ou ailleurs, quand un automobiliste dépasse la vitesse limite, il y a des radars pour le détecter. Dès qu’il arrive chez lui, on lui signifie la sanction. Ce qui n’est pas encore le cas chez nous. C’est pourquoi il est fréquent de voir les gens rouler jusqu’à 140 km/h. Et bonjour les dégâts !’’
EnQuete

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