A la Découverte d’un village Mythique : Ngawlé, le Nil du Fouta

Situé à trois kilomètres de Podor, le village de Ngawlé dont les habitations sont faites d’argile et de bambou, aurait été le témoin d’un miracle de Moussa Bougari. Qui à l’image de Moise, aurait séparé la mer en deux. Ici, votre portail laviesenengalaise.com qui s’intéresse au Sénégal des profondeurs vous replonge dans la culture des pêcheurs de Podor. A travers ce reportage réalisé par notre consœur, Marie Louise Ndiaye de l’Observateur dans leur cahier de vacance en septembre 2016, laviesenegalaise.com vous amène à la découverte de ce village mythique deux ans après la réalisation du dossier. 

Découverte…

Un écrin de vie au souffle chaud. Ngawlé n’est pas comme les autres. Coin reculé du Fouta qui souffre de solitude, ce village sort de sa coquille pour ne pas se noyer dans l’oubli. Situé à trois kilomètres de Podor, la bourgade de pêcheurs se pose, confortablement, au bord du fleuve Sénégal. Sans gêne, le bourg d’environ 4 mille familles, dégouline dans son bain de chaleur. Ses étroites relations avec les eaux, ne l’humidifient point. Au contraire ! Se rendre à Ngawlé, c’est supporter le climat torride.

C’est aussi traverser une grande surface désertique au sol rigide, trahi par le fleuve qui s’est retiré en cette période de l’année. Sur cette route chaotique qui a l’habitude de se couvrir de la nappe du fleuve, le décor se limite à des eucalyptus qui poussent çà et là pour donner à l’environnement, ingrat, une touche de verdure.

Aujourd’hui, le chemin menant à Ngawlé s’est meublé d’un silence de cimetière. Il n’y a pas l’ombre d’un homme. C’est l’image même de l’isolement. A mi-chemin, un conducteur de cheval brise le silence. Il donne un coup de chicotte à son animal qui accélère la cadence.

Sa présence sur les liens s’explique. «Ici, on ne voit presque personne. Les quelques charrettes qui passent sont celles des fraudeurs», souffle le guide du jour, qui de la main, pointe l’autre versant. La Mauritanie qu’un homme peut rejoindre à la nage.

Les minutes passent, Ngawlé se rapproche et pointe du nez avec à sa droite, ses cimetières. Ici, les tombes ne sont pas construites. Pour les protéger des animaux, un tas de bois sert de bouclier. Il ne faut pas déranger les morts. Plus loin, une ruelle se découvre. Empruntée, elle mène aux vieilles habitations de Ngawlé.

Des maisons centenaires qui, malgré le temps, restent dignes et fières d’avoir eues une si longue vie. Elles sont impressionnantes. Comme sur une carte postale, leur particularité attire le regard. Elles renvoient à ces maisons de sable que les enfants construisent à la plage. On dirait une réalisation d’un artiste en poterie.

Les maisons, faites d’argile et de bambou, sont arrondies aux angles. Sans finesse, elles sont restées figer dans l’antiquité, loin de la modernisation. Le chef des lieux est absent, son adjoint, Tair Samba Sarr fera l’affaire. Retrouvé dans son atelier de couture, le quinquagénaire a passé de longues années dans la capitale sénégalaise, avant de retrouver la douceur de son foyer. Il n’a pas beaucoup de temps. Il a du boulot. Seulement, quand il s’agit de parler de son village, il peut accorder une poignée de minutes. Dans la chambrette qui lui sert d’atelier, l’homme parle avec fierté de son fief.

De ce village de Moussa Bougari. Père de Penda Sarr. «Connaissez-vous l’adage qui stipule d’invoquer Penda Sarr tia Ngawlé en cas d’arête de poisson qui reste coincer en travers de la gorge ? Cette Penda Sarr est originaire d’ici. Elle était une pêcheuse. Son papa est Moussa Bougari, fondateur de Ngawlé. C’est de lui que lui vient ce pouvoir».

A Ngawlé, le père fondateur est idolâtré. Tair Samba Sarr dit, avec fierté : «Cette maison, c’est le fondateur de Ngawlé qui l’a construite. Il l’a donné à son fils Ahmedil Moussa Bougar». Dans cette maison, le premier appartement est resté intact. Vieillot mais encore debout. Il n’est pas fissuré et ne menace pas de tomber.

A l’intérieur se dégage une douce fraîcheur qui n’a rien à voir avec le vent sec du dehors. «C’est parce que c’est fait en bambou. Si le travail est bien fait, c’est plus frais que les maisons avec les terrasses. Cette bâtisse a certes connue quelques changements avec les fenêtres et portes en fer mais les habitations sont d’origine.»

Il suffit de jeter un regard sur le toit pour voir le bambou. Couvert de maisons de termites, il se casse par endroits. Si dans les villes, il faut faire appel à des ouvriers pour se faire construire sa maison, à Ngawlé, les habitants construisaient leur maison de leur propre main.

Chaque chef de famille construisait sa maison. Il y avait 2, 3, 4 chambres par maison. Ça dépend de la famille. Il y a beaucoup de maisons qui, de l’avis de l’adjoint, datent de la création de Ngawlé. Une naissance localisée dans le temps.

C’est l’historien et écrivain, ancien conservateur du fort de Podor, qui le dit. Usé physiquement par l’âge, Niang, comme on l’appelle, garde sa mémoire intacte. Minutieusement, il conserve tout son savoir. «En 1858, quand il y a eu des fouilles, elles ont révélé que la présence humaine dans Sadatiowfi remonte entre le 11e et le 12e siècle. Sadatiowfi était le conglomérat, et des toucouleurs et des pêcheurs. La création de Ngawlé remonte bien avant, entre le 9e et 10esiècle.»

L’adjoint du chef de village, quant à lui, y va de sa datation. « Ngawlé est plus vieux que Dakar.» Ngawlé, c’est aussi l’histoire de son créateur, Moussa Bougari. Mais, souligne Niang, il y a eu trois Moussa Bougari. «Celui que nous avons connu dans l’histoire est le dernier.» Comment est-il entré dans l’histoire ? L’historien explique : «Le premier Almamy du Fouta, Abdoul Kader Kane, devait combattre un sultan maure, El Kowri et devait passer par Ngawlé.

Devant combattre EL Kowri, Abdel Kader Kane s’est associé à Moussa Bougari qui a confectionné un talisman qu’il a mis dans un fusil. Il a tiré sur le fleuve et toute la colonie est passée. Là-bas, en Egypte, on dit que le prophète Moise a jeté son bâton sur la mer rouge qui s’est fendu en deux et le peuple est passé. Ici, à Ngawlé, Moussa Bougari a fait pareil.»

C’est de ce pouvoir qu’a hérité Penda Sarr de Ngawlé. «Même chez les Diolas, quand on a une arête de poisson coincé dans la gorge, on dit : «Penda Sarr Tia Ngawlé» pour qu’elle parte. Il faut aussi noter un fait important. Le nom Ngawlé n’est pas toucouleur. Comme beaucoup de sites ici qui ne sont pas toucouleurs. Podor est ceinturé par des marigots et des mares qui ont une consonance sérère, comme les mares, Boylok, Bouloum, katié, Ndangao…»

Tapis volant

Ngawdé, c’est un patrimoine historique caractérisé par le fait que c’est ici que l’on peut trouver la véritable culture Al Pular à travers un art que l’on appelle le Pékane. Le Pékane est la culture des hommes de l’eau, un condensé des rapports entre les génies de l’eau et les hommes.

Parler de l’histoire du Fouta sans parler du Ngawlé est donc impossible. «C’est à Ngawlé que se trouve ce que l’on appelle le grand Dialtabé qui veut dire le chef des pêcheurs. Les lébous sont de grands pêcheurs mais ne font pas le Pékane, les diolas ne le font pas, non plus.

Le Pékane c’est à Ngawlé, les relations entre l’eau et les habitants de l’eau.» D’ailleurs, ajoute Sarr : «Moussa Bougari qui parlait la langue française, maîtrisait aussi le Coran. Un homme de savoir : «S’il allait à Saint-Louis du Sénégal, il le faisait vite fait. Il marchait sur le fleuve. C’est le bon Dieu qui lui avait donné ce pouvoir. D’ailleurs, je vais vous confier une chose. En son temps, il y avait un caïman dans le fleuve. Ce caïman était son « tapis volant ». S’il voulait passer par le fleuve, il lui montait dessus».

Aujourd’hui, ce village si riche est resté au point mort. Il n’y a ni eau courante, ni électricité. C’est l’eau du fleuve qu’utilise la population pour les travaux domestiques, l’eau du puits sert à se désaltérer. Pour le courant, il y a certes des poteaux d’électricité installés du temps de Wade. «Mais il n’y a aucun avancement. Les frais sont chers, les populations ne peuvent pas se le permettre.»

Ce qui fait que dans ce village qui se veut tendre vers la modernité et qui s’est même lancé dans l’éducation avec des écoles pour les enfants, les populations vivent dans le noir. Ils ont soif de changement. Ils vivent de leurs activités de pêche et de la culture du riz, mais la population voudrait une meilleure mise pour un gisement fructueux.

L’ancien conservateur du fort avait essayé de faire connaître Ngawlé. «Lorsque j’étais le conservateur du fort, j’avais écrit au ministre de la Culture pour lui dire d’ériger le village de Ngawlé en patrimoine historique classé ainsi que les mosquées omariennes et d’autres sites, confie-t-il. Malheureusement, le ministre a omis Ngawlé. Mais il doit être inséré dans le patrimoine national culturel.» Pour l’adjoint au chef de village: «Il est temps que le gouvernement se rappelle de nous. A chaque fois, les gens viennent nous poser des questions, on leur énumère nos problèmes mais, après, c’est silence radio.» Cri de cœur d’un village qui souffre de la sécheresse.

 

         Marie Louise Ndiaye

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.