L’escalade verbale entre Trump et la Corée du Nord, peut-elle dégénérer ?

L’escalade verbale entre le président américain et le dictateur nord-coréen pourrait mener accidentellement à une confrontation catastrophique.

Après avoir promis mardi « le feu et la colère » au régime de Kim Jong-un, Donald Trump a affirmé, dans un tweet mercredi, que l’arsenal nucléaire américain était « plus fort et plus puissant » que jamais. La Corée du Nord a, de son côté, multiplié les parades guerrières et menacé de lancer ses missiles sur l’île de Guam, qui héberge une base militaire américaine dans le Pacifique.

Retenez-moi ou je fais un malheur. Ainsi pourrait être résumée la position actuelle de Donald Trump face à la Corée du Nord, au lendemain de ses menaces d’y porter « le feu et une furie que le monde n’a jamais vus jusqu’ici ». Après avoir conquis la présidence américaine à la stupéfaction générale, « l’ouragan Trump » se lance dans une partie de poker nucléaire face à l’inquiétant Kim Jong-un, qui menace de frapper le territoire américain avec des missiles nucléaires intercontinentaux. Ce face-à-face de deux dirigeants au tempérament sanguin pourrait-il allumer la mèche d’un conflit mondial ? Ou cette confrontation au bord du gouffre, qui rappelle la crise de Cuba, est-elle plus calculée qu’il n’y paraît ? Alors que l’inquiétude monte à Washington, le débat bouillonne. Les uns, comme le sénateur John McCain, fustigent le président pour ses déclarations enflammées « qui rapprochent la perspective d’une confrontation ». « Son comportement revient à tracer une ligne rouge de la manière la plus stupide et déstabilisante », dénonce aussi l’éditorial du Washington Post. À l’inverse, les partisans du président affirment qu’il est temps de durcir le ton et de sortir de la négociation polie, face à une Corée du Nord théoriquement capable de frapper les villes d’Amérique du feu nucléaire.

En 1517, Machiavel affirmait qu’il est parfois « sage de simuler la folie ». Richard Nixon avait repris cette idée à son compte, en développant ce qu’il appelait la théorie « de l’homme fou ». Son idée était de faire croire aux NordVietnamiens et aux Soviétiques qu’il était « irrationnel » pour les pousser à des concessions. « Je veux que les NordVietnamiens croient que j’ai atteint le point où je ferai n’importe quoi pour arrêter la guerre », confiait-il à l’un de ses proches. « On va leur faire savoir que… Nixon est obsédé par le communisme, qu’on ne peut le contenir quand il est en colère et qu’il a son doigt sur le bouton nucléaire », ajoutait-il. Une approche que le président Trump semble avoir décidé de faire sienne.

Positions erratiques

 

Pendant sa campagne, Donald Trump avait exprimé des positions erratiques sur la Corée du Nord, semblant même appeler implicitement à une nucléarisation de Séoul et Tokyo pour que l’Amérique n’ait pas à continuer de payer pour leur sécurité… Il avait « loué » les qualités du dictateur Kim. « Il faut lui donner du crédit. Combien de jeunes à son âge s’imposent face à des généraux durs à cuire. Il arrive, il élimine son oncle, et tout à coup, il est le boss, c’est incroyable », s’était-il écrié. Son arrivée à la Maison-Blanche l’avait ramené à plus de sobriété, Barack Obama l’avertissant qu’une vraie crise

géopolitique l’attendait sur ce dossier volatil…

Une fois au pouvoir, Trump, comme ses prédécesseurs, a commencé par explorer l’idée d’un partenariat avec la Chine pour gérer le dangereux électron libre nord-coréen. Mais malgré les déclarations optimistes du président américain après le premier sommet de Mar A Lago, au printemps, au moment de la frappe américaine sur la Syrie (une frappe, qui, espéraient les experts, convaincrait par ricochet les Chinois de prendre leur hôte au sérieux), les résultats ont tardé à venir, et Donald Trump s’est mis à s’impatienter, jugeant que Pékin ne faisait pas tout ce qui était en son pouvoir pour ramener son turbulent protégé dans le rang. « L’heure de la patience stratégique est passée », a lancé le nouveau patron de l’Amérique irrité.

Depuis, les poids lourds de son équipe – et notamment le patron du Pentagone Jim Mattis, le conseiller à la sécurité nationale HR McMaster et le secrétaire d’État Rex Tillerson – semblent d’accord pour dire que la politique de la carotte (de l’aide économique au régime) et du bâton (des sanctions), utilisée dans le passé, ne suffira plus à empêcher la nucléarisation de la Corée du Nord. « Nous n’allons pas autoriser la Corée du Nord à prendre en otage des villes américaines », a expliqué un haut responsable de l’Administration au Wall Street Journal ce mercredi alors qu’un rapport de l’Agence de renseignements militaire vient de conclure à la capacité de Pyongyang à embarquer des charges nucléaires miniaturisées sur ses missiles. Un ballet s’est donc déployé pour pousser Pyongyang à prendre Washington au sérieux, avec un but ultime : la dénucléarisation de la péninsule. À Trump le rôle du méchant flic, fou et prêt à l’option militaire. À Tillerson celui du bon flic, ouvert à la perspective d’un dialogue direct, si Pyongyang accepte un gel de son programme de missiles.

Impressionner Pékin

 

Une source interne à l’Administration confiait récemment au Figaro que ce déploiement de muscles visait autant les Chinois et les Sud-Coréens que Pyongyang. « Nous voulons qu’ils comprennent que la patience américaine a des limites et qu’ils doivent gérer le problème ; sinon nous serons forcés d’agir » ; disait cette source. Le postulat de l’Administration est que les Chinois ont les moyens de faire fléchir leur voisin. « Nous pensons que si les Chinois croient à un risque de guerre, ils agiront car ils ne pourraient supporter la perspective d’une réunification de la péninsule et ne sont pas prêts à un affrontement avec les États-Unis… », ajoutait cette source.

Dans le Washington Post de ce mercredi, David Ignatius, connu pour sa proximité avec les services de renseignements américains, fait une lecture similaire. Le but de l’équipe Trump, écrit-il, est « d’encourager la Chine à s’interposer entre les États-Unis et la Corée du Nord et d’organiser des négociations pour dénucléariser la péninsule coréenne ». À en croire le secrétaire d’État Tillerson, cette approche a d’ailleurs connu ses premiers succès ce week-end avec le vote de nouvelles sanctions – soutenues par Pékin et Moscou – destinées à étrangler économiquement Pyongyang. « Les Américains peuvent dormir tranquilles », a-til déclaré, alors qu’il était en route vers l’île américaine de Guam, que Kim Jong-un a menacé de frapper ce mardi. Un diagnostic que ne partage pas l’ancien collaborateur d’Obama, Tom Malinowski. Le régime de Pyongyang ne renoncera jamais à l’arme atomique, écrit-il dans Politico. Seul moyen de changer l’équation, selon lui : aider les Nord-Coréens à révolutionner leur pays de l’intérieur ; en les inondant d’informations sur le monde qui les entoure.


  •      LAURE MANDEVILLE – Le Figaro
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